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ILLUSTRATIONS SCIENTIFIQUES.

revient donc à étudier les lois de l’irritation, ses divers modes de propagation dans l’économie d’un point à l’autre, l’état des organes et des tissus qu’elle attaque et leurs dégénérescences variées, etc.

Si on nous demande à présent comment il se fait que M. Broussais qui a passé toute sa vie en protestations éloquentes et en déclamations passionnées contre les abstractions, qui répète partout, à chaque page, qu’il ne faut croire que ce qu’on voit, qu’il n’y a que l’observation par les sens et ses inductions directes qui doivent entraîner l’adhésion de notre esprit ; si on nous demande comment M. Broussais consent à descendre ainsi dans les profondeurs de l’organisme, non pas avec les yeux de la foi, mais avec les yeux de l’imagination ; comment il peut suivre toutes ces transformations de l’abirritation en irritation, tous ces voyages de l’irritation d’un organe sur un autre, tous ces effets merveilleux de la contractilité ; — comment il a pu, avec des données si imaginaires, faire couler tant de sang et se railler avec tant de conviction de tous ceux qui ne voulaient pas partager ces sublimes idées ; nous ne saurons rien dire, si ce n’est que l’esprit humain, quand il s’engage dans des voies d’erreur, n’a pas la faculté de s’arrêter, et qu’alors même plus il est puissant, plus il est faible ! Quiconque voudra fonder la médecine sur des affinités moléculaires, sur des phénomènes si profondément cachés, si difficilement observables, si contestables et si contestés, arrivera à des résultats du même genre. Il aura de grandes parties dans l’esprit ; on admirera sa logique, tout en la suivant avec pitié ; on sera ravi de l’imagination et de l’éloquence avec lesquelles il parera ses idées ; — et puis on rejettera loin de soi son pneuma, son strictum et son laxum, ses esprits animaux, son électricité, sa polarité, son irritation !

Pourquoi l’auteur a-t-il donné le nom de physiologique à cette doctrine ? pourquoi allait-il partout se glorifiant de la belle invention de la médecine physiologique, et opposant avec orgueil sa clarté et sa simplicité aux complications et aux ténèbres de la médecine ontologique ? — C’est que l’irritation et l’inflammation n’étaient que l’exagération, l’exaltation du mode de vitalité normale des organes ; un peu plus d’irritabilité dans les tissus, un peu plus de sang dans les vaisseaux, un peu plus de sensibilité dans les nerfs, voilà tout ; les phénomènes sympathiques, suscités par l’affection du point en phlegmasie, ne sont que l’exagération de ceux que suscite l’action du même organe en fonction. Il y a seulement à admettre un ordre de sympathies morbides, dont la loi fondamentale, du reste, ne diffère pas de celle des sympathies physiologiques. N’est-ce pas là une doctrine simple,