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propriétés, ou, pour mieux dire, à la propriété fondamentale des tissus, elle commence par la créer, ensuite elle s’en sert comme d’instrument pour se procurer les matériaux avec lesquels elle travaille continuellement à la composition du corps vivant. La contractilité, la sensibilité de relation, quoique ne marchant pas exactement sur la même ligne, sont donc des témoignages, des preuves évidentes de l’existence de la force vitale ; mais elles ne sauraient être la force vitale.

« Cette force vitale est assurément inconnue dans son essence, car c’est une cause première ; mais elle se manifeste à nos sens par des changemens de forme dans la matière. Ces changemens consistent dans une modification spéciale des affinités moléculaires qui président à la chimie des corps inanimés, c’est-à-dire qu’elle se fait connaître par des phénomènes chimiques, mais d’une chimie propre à chacun des corps vivans. Or, cette chimie vivante est le phénomène le plus reculé qui frappe nos sens ; elle n’est pas sans doute la force vitale proprement dite, mais elle en est le premier instrument, l’instrument invisible, immatériel, que nous ne connaissons que par la voie du raisonnement. En un mot, c’est l’instrument par lequel la force vitale, en agissant sur la matière, produit les instrumens secondaires, purement matériels, perceptibles à nos sens, et où nous pouvons découvrir ce que nous appelons les propriétés vitales de tissus. »

Celui qui a écrit ces propositions devait écrire la suivante : « Toute maladie est vitale dans son commencement, » et en suivre toutes les conséquences. Aussi combien ne s’emporte-t-il pas contre cette médecine qu’on a appelée médecine des lésions, médecine organique ! Avec quelle verve éloquente il s’indigne de l’habitude qu’ont prise les médecins de nos jours de voir toute la maladie sur le cadavre, et de se laisser détourner, par les inspections nécroscopiques, de l’observation et de l’appréciation des causes de maladie, des phénomènes, directs ou sympathiques, de réaction de l’organisme contre les agens modificateurs, enfin de l’action des moyens thérapeutiques ! Je le répète, quand Broussais se tient dans ces généralités, les trois quarts du temps on ne saurait mieux penser et mieux dire qu’il ne fait. Ceux qui comme nous, attachent l’importance première dans les maladies aux faits vitaux, aux phénomènes de la réaction vitale, qui croient que toute la médecine est là, et que le plus souvent l’anatomie pathologique vient pour compléter l’histoire de la maladie plutôt que pour en éclairer le diagnostic et le traitement, ceux-là