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ILLUSTRATIONS SCIENTIFIQUES.

maladies bien arbitrairement, quelque fort ou quelque spécieux que soit cet homme, Boerhaave ou Pinel, vous verrez se déployer le talent de critique de M. Broussais avec toute sa verve ; vous le suivrez avec un attrait que nul autre ne vous inspire ; vous crierez qu’il a raison, qu’il verse la lumière à pleines mains. Aussi quels triomphes n’a-t-il pas remportés sur les empiriques et les sceptiques de nos jours, sur les médecins qui ramassent avec une minutie extrême, et pêle-mêle, tous les détails les plus minimes, sans essayer d’y mettre l’ordre et l’harmonie, qui réduisent les phénomènes de la vie à la plus grande sécheresse possible, qui les privent de leur langage, de leur signification, qui croient avoir analysé un fait lorsqu’ils l’ont émietté au point de le rendre méconnaissable, qui ne se plaisent, comme le dit Broussais, que dans la dissociation, et qui sont nés pour embrouiller toutes les questions ! Les faits naturels sont composés d’élémens qui, par leur combinaison et leur association, présentent à notre esprit des mots, des phrases, ou, si l’on veut, des figures et des tableaux. Or, celui-là n’est pas savant, n’est pas médecin, n’est pas artiste, qui, ayant sous ses yeux ces élémens, n’y découvre ni phrases, ni tableaux : il ne sait pas lire le livre de la nature.

Broussais, comme Bordeu et comme Bichat, était vitaliste. L’esprit du vitalisme s’est toujours répandu dans ses écrits, et a donné une grande puissance à sa critique, à une époque où la médecine se plongeait tête baissée dans l’anatomie pathologique. Dans son Traité de Physiologie appliquée à la pathologie, il s’exprime ainsi : « La puissance qui préside à la formation, au développement et à la conservation, est celle qui opère l’assimilation des substances nutritives, qui en tire de la gélatine, de l’albumine, de la fibrine, qui donne à ces formes de la matière animale la propriété contractile, qui règle la forme, la consistance, le volume, la durée de nos organes, qui les rétablit dans les conditions nécessaires à l’état de vie et de santé, lorsqu’ils en ont été écartés par une cause morbifique. Or, je le demande maintenant, est-ce la contractilité qui produirait tous ces effets ? Il vaudrait autant dire que la contractilité se produit elle-même, puisque nous avons vu qu’elle tient essentiellement à la forme de la matière animale, que la puissance vitale est seule capable de créer. La contractilité ne saurait donc jamais être considérée que comme un des ouvrages de la force vitale, comme un moyen qu’elle emploie pour exécuter les mouvemens qui doivent concourir à l’entretien des fonctions.

« La force ou puissance vitale préexiste donc nécessairement aux