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ILLUSTRATIONS SCIENTIFIQUES.

rieurs de son côté, ne fût-ce que pour un instant : il résulte de cet amour de la guerre médicale, de cette ardeur de conviction, de cette impatience de toute contradiction, de cette passion ironique, que l’invective tient chez lui une large place, et qu’on a souvent comparé ses écrits à des diatribes. Ne pourrait-on pas dire que cette manière d’invective est un élément de popularité, et que tout homme qui se moque des autres avec une grande hardiesse et un talent incontestable est par là même populaire, c’est-à-dire toujours écouté par la foule ? Cette observation paraîtra encore plus vraie, si i’écrivain ou l’orateur flatte les passions de la foule ; Broussais prétendait être le continuateur de la philosophie du XVIIIe siècle et de la réforme ; l’homme de la révolution médicale qui venait après les hommes de la révolution sociale, et il parlait dans un temps et dans des lieux où les passions politiques étaient fort exaltées. Il proclamait qu’il était aussi absurde de combattre ses idées que de combattre les idées des philosophes du XVIIIe siècle, et, lors de sa nomination à la Faculté en 1831, il déclara qu’il avait fallu la révolution de juillet pour le faire entrer à l’École.

Outre la simplicité à laquelle il avait réduit la pratique médicale, voilà, selon nous, l’explication de la popularité de Broussais. Mais de plus, il faut le dire, comme style médical, son style a, en effet, de très belles et de très grandes qualités : la clarté, la force, et une allure à la fois logique et passionnée qui entraîne[1] le lecteur, et qui, si elle ne le persuade pas toujours, le fait au moins toujours réfléchir aux choses les plus importantes. Broussais avait beaucoup voyagé, beaucoup ouvert de cadavres dans les amphithéâtres, beaucoup vu de malades dans les hôpitaux et dans des pays fort différens ; son éloquence s’animait à propos de tous ces souvenirs qu’il savait rendre vivans, et ces observations comparées répandaient toujours beaucoup d’intérêt sur les questions qu’il agitait. Il se faisait honneur de son titre de médecin militaire, et disait souvent que les médecins d’armées étaient ceux qui, par leur position, avaient l’expérience la plus étendue et la plus variée, conséquemment ceux qui devaient avoir les idées les plus justes et les plus complètes sur la nature des maladies. Sans vouloir ôter rien à des hommes tels que Pringle, Desgenettes et Broussais, les médecins civils ont toujours réclamé contre cette prétention des médecins militaires, et ont apporté pour

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