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de son pédantisme et l’intolérance de son caractère. Il étudia la médecine à Édimbourg sous le célèbre Cullen, qui, après l’avoir eu pour élève privilégié, l’abandonna, sans que les motifs de cette séparation aient jamais été bien connus. C’est alors que Brown s’éleva avec violence contre Cullen et contre tous les professeurs de la faculté d’Édimbourg, et qu’il fonda sa nouvelle doctrine médicale. Il publia ses Élémens de Médecine, et les éloges que lui prodiguèrent ses amis l’engagèrent à professer sa doctrine dans un cours public. Là Brown déclara ouvertement la guerre à tous les professeurs, qu’il poursuivit de ses sarcasmes et de ses outrages. Son auditoire était peu nombreux ; mais l’enthousiasme qu’il suscita fut tel que ses élèves formèrent une véritable secte sous le nom de Browniens, et que la Société royale d’Édimbourg se crut obligée d’exclure de son sein quiconque se battrait en duel pour ou contre le brownisme. Lorsqu’il se fit recevoir docteur, ses élèves l’accompagnèrent en triomphe, et la théorie qu’il donna des propriétés de l’opium fut si merveilleuse, qu’une statue lui fut érigée, avec ces mots sur le piédestal : Opium, meherclè, non sedat ! (en vérité, l’opium ne calme pas !) ; car Brown s’élevait avec colère contre la vertu sédative de l’opium, rangeait ce médicament parmi les excitans, et, pour preuve, en avalait des doses énormes à ses leçons, toutes les fois que sa pensée languissait ou que sa parole devenait monotone. Mis en prison pour dettes, il n’en continuait pas moins ses prédications exaltées, et ses élèves venaient l’écouter avec la même ardeur que dans son amphithéâtre. Avec tout cela, Brown ne fit point fortune ; il passa d’Édimbourg à Londres, où il n’eut pas le temps d’accomplir les grands projets qu’il méditait. Agé seulement de cinquante-deux ans, mais fatigué par la vie la plus irrégulière et la plus licencieuse, dévoré de chagrins et d’ambition, il mourut frappé d’apoplexie, après avoir bu, suivant son ancienne coutume, un gros de laudanum en se couchant.

Mais ce fut après sa mort que la renommée de Brown (je ne veux pas dire sa gloire) prit surtout une immense extension. Non-seulement il changea de fond en comble les idées et la pratique des médecins anglais, mais encore il bouleversa la médecine de toute l’Europe. En Allemagne et en Italie, plusieurs doctrines médicales se fondèrent, qui toutes avaient pour point de départ le brownisme, ou étaient des transformations du brownisme. La plus célèbre de ces doctrines est celle du contrestimulisme du fameux Rasori, qui va avoir, ou qui a déjà peut-être, sa statue sur la place publique de Milan.

Si on veut du bruit, en voilà !