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parcourent ? ou d’un agriculteur qui ne voudrait semer son grain qu’après avoir chimiquement analysé et microscopiquement considéré les différentes couches de son terrain ? Nous ne saurions trop le répéter, l’astronomie, l’agriculture, la médecine, sont des sciences analogues, des sciences d’observation directe, indépendantes des spéculations plus ou moins réelles, plus ou moins imaginaires, qui se peuvent faire sur la nature intime de leurs phénomènes.

Toutefois, après avoir compris le mal que ces réformateurs systématiques feront à la science, on doit concevoir quels services ils pourront lui rendre, lorsqu’une idée vraie, quelque partielle qu’elle soit, tombera dans une tête de génie. On est sûr alors, en effet, de deux choses : d’abord que tout système faux, opposé à celui du réformateur, sera vivement et fortement attaqué, et que tout ce qui lui est antérieur sera soumis à l’épreuve d’une critique puissante ; ensuite, que tout ce qu’il y a à tirer du point de vue, vrai, mais partiel, qui préoccupe le réformateur, en sera tiré. Le génie du réformateur sera d’autant plus fort sur un point, qu’il sera plus faible sur les autres, et entourera son fait d’une lumière d’autant plus vive, qu’il laissera les autres faits enveloppés d’une plus grande obscurité.

C’est ainsi que les chimistes ont montré jusqu’à quel point les altérations chimiques de nos humeurs pouvaient constituer des classes de maladies tout entières et tarir dans l’homme les sources de la vie, et jusqu’à quel point certaines substances chimiques, introduites dans notre économie, pouvaient modifier avantageusement nos organes et relever notre vie abattue. C’est ainsi que les partisans de Stahl, courbés sur cette idée de la force providentielle et conservatrice qui se trouve dans l’homme, ont étudié avec un très grand soin et un religieux respect les maladies abandonnées à elles-mêmes, et ont dévoilé à nos yeux le tableau des prodiges de la nature médicatrice. Nous avouerons même que les réformateurs les plus extravagans, lorsque la volonté et le génie se sont trouvés en eux, ont fait sortir de leurs travaux des éclairs de vérité qui ont traversé les siècles. Qui ne connaît le célèbre alchimiste du XVIe siècle, le grand Paracelse, le roi des chimistes, le monarque des arcanes ? Cet homme de feu, sous la main duquel le corps humain devint une manière de volcan, qui passa sa vie dans la débauche et dans des déclamations furibondes, qui tourmentait les métaux et toutes les substances de la nature pour en tirer la quintessence et la panacée, c’est-à-dire la partie active et médicamenteuse, cet homme a imprimé à la chimie une très grande impulsion et rendu à la médecine de très grands services. Laissons là son