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ILLUSTRATIONS SCIENTIFIQUES.

mer, est composé, 1o de parties contenantes, 2o de parties contenues, 3o de causes de mouvemens ; autrement, de solides, de liquides et de forces. L’anatomie nous a beaucoup appris, nous apprend beaucoup encore chaque jour sur le contenant et le contenu de l’agrégat humain ; mais sur les forces de la vie, sur les facultés de l’organisme considéré dans son ensemble, sur celles des différens organes, que peut-elle nous dire ? Il est d’une haute importance de pouvoir apprécier le siége des maladies, de déterminer le degré d’altération auquel un organe est arrivé, quels nouveaux degrés il peut parcourir, et quels autres organes il peut entraîner dans son mal. Cela est utile, cela est important, cela est beau à savoir, toutes les fois que cela se peut ; et c’est la gloire de l’anatomie moderne de nous avoir, sous ce rapport, ouvert un vaste champ de découvertes. Mais il est encore plus utile et plus beau de savoir, d’après ce qui s’est passé dans un malade et d’après ce qu’on a sous les yeux, comment chaque point du corps intéresse le système entier, comment le système entier intéresse chaque point du corps ; quelle force de résistance un organisme a ou n’a pas ; quelle harmonie ou quelle désharmonie doit se produire en lui ; quel est le but de ses efforts de réaction, salutaire ou funeste ; quelle voie de solution il présente au mal ; et toutes les considérations de cette nature.

Or, ce n’est pas l’anatomie qui nous fait lire dans ce livre de vie : c’est l’intelligence de l’homme appliquée à suivre l’ordre de filiation des phénomènes, leur génération mutuelle et successive, leurs rapports de toute sorte ; et cette intelligence, nos pères ont pu l’avoir, nos pères l’ont eue. Il y a plus : on a soutenu, et on en a eu le droit, que leur esprit, moins embarrassé de détails secondaires que le nôtre, voyait de plus haut, plus loin et mieux. On a pu soutenir, et on en a eu le droit, que ne pouvant, comme nous, disséquer les cadavres fibre à fibre, ni soumettre les solides et les liquides du corps humain à l’analyse chimique, ils ont porté une attention d’autant plus sévère et d’autant plus continuelle à tout ce qui n’était pas du ressort de l’anatomie et de la chimie, à tout ce qui était la vie. Pour nous, ce nous est, en vérité, une grande pitié que de voir tant de savans qui se croient forts parce qu’ils ont la faculté de se perdre dans le changement de coloration ou de consistance d’un faisceau de fibres ou d’une membrane, et parce qu’ils ont pu constater ici ou là des altérations chimiques dont ils ignorent le sens, et sur lesquelles ils ne sont pas d’accord, de voir, disons-nous, tant de savans poursuivre de leur mépris et de leurs sarcasmes ces pères de l’art, qui ont laissé après eux