Page:Revue des Deux Mondes - 1839 - tome 18.djvu/325

Cette page a été validée par deux contributeurs.
321
ILLUSTRATIONS SCIENTIFIQUES.

d’un grand nombre d’autres plus secondaires et par là même plus variables. Disons-le : nous nous sommes réjouis de cette lumière jetée sur le monde médical, dans un moment où tant d’esprits sont obscurcis, où l’amour indéfini du curieux et la manie insatiable d’une expérimentation sans règle et sans frein compromettent incessamment l’honneur de la science aux yeux de ceux qui entreprennent de l’étudier, comme aux yeux du public.

Il semblera peut-être à plusieurs personnes qu’il est superflu d’énoncer des principes d’une telle évidence, et que nous nous mettons trop en frais pour prononcer de beaux truismes. Ces personnes se trompent : le mépris de l’antiquité et de toute tradition scientifique, bien qu’il ait perdu du terrain depuis quelques années, est encore une plaie de la science de nos jours. — Combien, parmi nos contemporains, font dater d’hier la science médicale ! Les chimistes, qui ne veulent voir l’homme que du point de vue chimique, et encore du point de vue chimique le plus moderne, — les anatomistes, qui ne veulent voir l’homme que du point de vue anatomique, et qui déclarent cependant que l’anatomie est dans l’enfance ; beaucoup d’esprits minutieux dont il faut louer la patience, mais dont il faut flétrir l’étroitesse, qui, à force de détails accumulés, morcellent l’observation et rendent méconnaissables les faits observés, tels sont les hommes qui font dater d’hier la science médicale. Comment les anciens (c’est-à-dire tout ce qui précède le XIXe siècle !) pourraient-ils mériter quelque confiance, eux qui n’observaient les phénomènes que dans leur généralité, qui étaient incapables d’en embrasser les détails par leurs moyens d’exploration, qui, ne pouvant sonder dans toute sa profondeur la fibre organique de l’homme, se bornaient à considérer son expression vitale ? Voilà, nous le disons avec peine, ce qui court encore les rues du monde médical. Vers la fin du siècle dernier, Bordeu, le grand Bordeu, s’élevait déjà avec force contre les prétentions de la chimie, qui cherchait, disait-il, à s’emparer de la médecine : il démontrait comment tous les mouvemens organiques qui se passent dans l’homme, ce flux et reflux de nos humeurs dont le cours est si bien déterminé, cette action continuelle de nos solides les uns sur les autres, leurs sympathies ou leurs antipathies voulues pour tel ou tel modificateur qui leur est présenté ; comment ces compositions, décompositions et recompositions de nos tissus toujours les mêmes dans leurs formes et leurs mouvemens, et jamais les mêmes dans leur matière ; comment ces alternatives singulières de température, d’électricité, de sensibilité,