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REVUE. — CHRONIQUE.

des Pays-Bas examinait probablement la question pendant que la Belgique lui échappait, car la sentence fut rendue et communiquée aux intéressés dans les premiers jours du mois de janvier 1831.

La sentence arbitrale du roi des Pays-Bas n’a point le caractère d’une interprétation, au moins en ce qui concerne le point capital ; c’est une transaction qu’il propose. Il ne dit pas : L’angle nord-ouest de la Nouvelle-Écosse est situé à tels ou tels degrés de latitude et de longitude, les hautes terres dont parle le traité sont celles-ci ou celles-là, et non autres, parce qu’elles réunissent toutes les conditions voulues ; mais il dit au contraire : Vous ignorez depuis quarante-sept ans et vous cherchez inutilement à fixer la position de l’angle nord-ouest de la Nouvelle-Écosse ; eh bien ! je n’en sais pas là-dessus plus que vous, car je n’ai pas sous les yeux des cartes plus complètes que celles dont vous vous êtes servis, et ce n’est ni votre faute ni la mienne si les limites de la Nouvelle-Écosse, sous la domination de la France et ensuite sous celle de l’Angleterre jusqu’en 1783, n’ont pas été tracées plus exactement. Quant aux hautes terres, j’en vois plusieurs lignes ; mais je les trouve toutes sujettes à objection, car les rivières Saint-Jean et Ristigouche, les deux principales du pays en litige, ne sont pas des affluens du Saint-Laurent et ne se jettent point dans l’Océan atlantique, d’où il résulte que les hauteurs qui forment ce bassin au sud et au nord ne séparent point les eaux qui se jettent dans le Saint-Laurent de celles qui se jettent dans l’Atlantique. En conséquence, le plus raisonnable et le plus juste me paraît être de substituer à la démarcation imaginaire du traité de 1783 une délimitation toute nouvelle, en tenant compte, autant que possible, des convenances réciproques. — Tel est à peu près le langage du roi des Pays-Bas, et c’est sur cette base de transaction qu’il a rendu son jugement. Je suis convaincu qu’en étudiant la question, on le trouverait parfaitement équitable ; il assignait aux États-Unis les trois-cinquièmes du territoire contesté ; il leur donnait le partage de la souveraineté sur le cours supérieur de Saint-Jean, qui, à partir d’un certain point, devenait la limite commune : et l’Angleterre, qui aurait pu se plaindre d’un partage inégal, conservait ce qui lui est absolument nécessaire, sa ligne actuelle de communications entre Frédéricton et Québec, par la rive gauche du Saint-Jean. Le gouvernement anglais accepta aussitôt la décision de son allié ; mais il n’en fut pas de même des États-Unis, et ici commence une nouvelle série de négociations qui n’ont eu encore aucun résultat.

Le ministre des États-Unis à La Haye était alors M. Preble, de l’état du Maine, un des rédacteurs de l’exposé soumis à l’auguste arbitre en faveur des prétentions de son gouvernement et des intérêts de sa province. M. Preble, en recevant la décision du roi Guillaume, au lieu de la transmettre purement et simplement au cabinet de Jackson, s’empressa de protester contre, sans attendre des instructions ultérieures, et partit aussitôt pour New-York, d’où il se rendit dans l’état du Maine, avant même d’aller à Washington. Il en résulta que la législature du Maine, encouragée par la protestation que M. Preble avait lancée contre la décision du roi des Pays-Bas, prit les devans sur la délibération du président ou du congrès, et déclara que l’arbitre