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comme il semble, à une rare facilité, qui peut-être même l’entraîne quelquefois trop loin. À mon sentiment, son meilleur portrait est celui de Mlle Fanny Elssler, no 321. Il est bien disposé ; l’attitude est naturelle et gracieuse. Pour ceux qui n’ont vu cette charmante actrice qu’à la scène, le sérieux de sa physionomie a quelque chose qui surprend. Son regard est, je crois, trop fixe, et manque de vivacité.

Il y a plus d’animation, plus de physionomie, dans le portrait de Mlle la comtesse de F…, no 320. Mais on y peut reprendre un bras et une main d’une incorrection fâcheuse. — En voulant éviter d’accuser les contours avec dureté, ce qui est, en général, le défaut de l’école française, M. Champmartin tombe parfois dans l’excès contraire. Alors son modelé a de l’incertitude, et la lumière ne s’arrête pas assez franchement sur les parties saillantes. J’ai entendu remarquer ce défaut par une dame, qui disait que « les têtes de M. Champmartin semblaient frottées de cold cream. » Ce luisant tient, je crois, à l’indécision de la lumière, et ce défaut se remarque surtout dans ses deux portraits d’homme, no 318 et 319.

En général, cet artiste ne rend pas bien les cheveux, plutôt, je crois, par faute de bons procédés matériels que par négligence. Il est certain qu’ils n’ont ni la légèreté de la nature, ni cette transparence dans les ombres, qui, lorsqu’on parvient à la saisir, donne un ressort singulier aux carnations.

Outre ses portraits, M. Champmartin a exposé une figure allégorique de la Charité, no 317. C’est une femme entourée d’un grand nombre d’enfans nus, qu’elle rassemble autour d’elle. Bien vêtue elle-même, elle ne paraît pas disposée à leur sacrifier, comme saint Martin, une partie de son manteau. Ses traits, gracieux d’ailleurs, ne conviennent peut-être pas trop à une vertu théologale. — La couleur est harmonieuse, et je n’y trouve à reprendre qu’une opposition un peu heurtée entre les chairs et les tons froids et rompus du ciel, du terrain, et du manteau de la Charité. Plusieurs des enfans sont d’un charmant coloris. Je dois dire que le plus jeune m’a paru une réminiscence d’un Enfant Jésus de Rubens, qu’on admirait, il y a quelques années, chez M. Boursault.

Comme M. Champmartin, M. Decaisne a fait une Charité, no 496. La sienne est plus canonique, plus grave, plus idéale. On la voit secourir des pauvres, allaiter un enfant ; en un mot, elle est bien symbolisée, comme dirait un Allemand. On peut reprocher à ce tableau