Mais j’ai le droit de vous envoyer en prison. Et comme votre tuteur ne voudra pas vous y laisser aller, et comme il n’a pas d’argent, il faudra bien qu’il laisse vendre ses meubles et ses effets. Bah ! voilà un bon manteau accroché à la muraille. C’est du luxe pour un philosophe. Un philosophe ne doit pas craindre le froid. Et son lit ! mais c’est un voluptueux ; une paillasse doit suffire à un stoïque.
Oh ! ne le dépouillez pas, ne le faites pas souffrir. Il n’est plus jeune, il est souvent malade, et déjà il ne s’impose que trop de privations. Faites-moi conduire en prison ! qu’il ne le sache pas !…
Quel bien cela me fera-t-il que vous soyez en prison ? Je n’y vois qu’un avantage, c’est de me faire solder par votre tuteur… Allons ! je vais lui dépêcher mon huissier, je n’ai pas un instant à perdre. J’ai dix affaires pareilles à finir aujourd’hui.
Oh ! monsieur, attendez que maître Albertus revienne. Je lui dirai de vous vendre la lyre.
Il ne le voudra jamais. Maître Meinbaker la lui a confiée comme un dépôt. C’est toute votre fortune. Il aimera mieux vendre son lit. J’en ferais autant à sa place. Quand on a une pupille aussi jolie !…
Taisez-vous, malheureux, et prenez la lyre. Elle est à vous. Rendez-moi ce billet.
Un instant ! je ne puis prendre la lyre moi-même, vous croiriez que je veux gagner dessus.
Et que m’importe ? Gagnez ce que vous pourrez ; puisqu’il faut que je m’en sépare, emportez-la tout de suite.
Peste soit du charme ! Il m’est interdit de la toucher moi-même. Il faut que je la fasse emporter par mes dupes. (Haut.) Non, mademoiselle, je ne traite pas les affaires ainsi. Il y va pour moi de l’honneur. J’ai déjà brocanté la lyre, mais je veux que le marché soit conclu devant vous. Les personnes qui veulent l’acquérir sont ici à deux pas, je cours les chercher. Songez que, si vous gagnez quelque