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avec Dieu même, et n’avoir aucun besoin de sanction dans les arrêts de la raison humaine.

albertus.

Et que voulez-vous conclure, mon enfant ?

hanz.

Maître, souffrez que le disciple récite d’abord sa leçon devant vous. Dieu nous a jetés dans cette vie comme dans un creuset où, après une existence précédente dont nous n’avons pas souvenir, nous sommes condamnés à être repétris, remaniés, retrempés par la souffrance, par la lutte, le travail, le doute, les passions, la maladie, la mort. — Nous subissons tous ces maux pour notre avantage, pour notre épuration, si je puis parler ainsi, pour notre perfectionnement. De siècle en siècle, de race en race, nous accomplissons un progrès lent, mais certain, et dont, malgré la négation des sceptiques, les preuves sont éclatantes. Si toutes les imperfections de notre être et toutes les infortunes de notre condition tendent à nous épouvanter et à nous décourager, toutes les facultés supérieures qui nous sont accordées pour comprendre Dieu et désirer la perfection, tendent à nous sauver du désespoir, de la misère et même de la mort ; car un instinct divin, de plus en plus lucide et puissant, nous fait connaître que rien ne meurt dans l’univers, et que nous disparaissons du milieu où nous avons séjourné pour reparaître dans un milieu plus favorable à notre développement éternel.

albertus.

Telle est ma foi.

hanz.

Et la mienne aussi, maître, grâce à vous ; car le souffle pernicieux du siècle, les railleries d’une fausse philosophie, l’entraînement des passions, m’avaient ébranlé, et je sentais l’instinct divin s’affaiblir et s’agiter en moi comme une flamme que le vent tourmente. Par des argumens pleins de force, par une logique pleine de clarté, par une véritable notion de l’histoire universelle des êtres, par un profond sentiment de la vérité dans l’histoire des hommes, par une conviction ardente, fondée sur les travaux de toute votre vie respectable, vous avez ramené mon esprit à la vérité. Par une vertu sans tache, une bonté sans bornes, une touchante sympathie pour tous les êtres qui nous ressemblent, soit dans le passé, soit dans le présent, par une généreuse patience envers ceux qui vous nient ou vous persécutent, vous vous êtes emparé de mon cœur et vous avez mis d’accord en moi les besoins de la raison et ceux du sentiment. Que voulez-vous