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voqué un concile général à Saint-Jean-de-Latran, où furent présens les ambassadeurs de l’empereur de Constantinople, des rois de France, d’Angleterre, d’Aragon, de Hongrie, de Chypre, les représentans de beaucoup d’autres princes et de plusieurs villes. On compta jusqu’à deux mille deux cent quatre-vingt-trois personnes qui avaient le droit d’assister aux assemblées. Dans ce concile qu’il ouvrit par un sermon, Innocent III condamna toutes les hérésies, déclara déchus de toute souveraineté les princes fauteurs des hérésies, accorda les mêmes indulgences aux catholiques qui se croiseraient contre les hérétiques qu’à ceux qui iraient en Terre-Sainte, prit sous sa protection les Grecs réunis à l’église romaine, établit quatre patriarches à Constantinople, à Alexandrie, à Antioche, à Jérusalem, régla les élections et les ordinations pour toute l’église, rendit la communion annuelle obligatoire pour les chrétiens, défendit d’établir de nouveaux ordres religieux, et renouvela les prescriptions contre la simonie.

M. Hurter nous représente Innocent comme étant d’une moyenne taille et d’une complexion délicate ; aussi fut-il attaqué plusieurs fois de graves maladies. Il était doué d’une grande pénétration, d’une mémoire heureuse, de courage et de prudence tout ensemble : sévère aux récalcitrans, bienveillant pour les humbles, il avait la plus haute idée de la puissance de l’église. L’église était à ses yeux un royaume qui n’a point de frontières, dans lequel il n’y a point de distinction de peuples, sur lequel aucun souverain ne possède de droits. Il avait si fort élevé la papauté, que dans un écrit, composé peu de temps après sa mort, on lisait que, s’il avait vécu seulement dix années de plus, il eût réduit toute la terre sous son pouvoir, et répandu chez tous les peuples une seule et même croyance. Au milieu de toutes ses affaires, Innocent n’oublia jamais qu’il devait servir de modèle à tous dans l’accomplissement des fonctions ecclésiastiques. Il attachait une grande importance à élever les esprits par la prédication des vérités de l’Évangile ; il prêchait en langue vulgaire devant le clergé et le peuple ; il fit recueillir un certain nombre de ses sermons et les envoya comme présent à l’abbé Arnault de Citeaux. Il composa aussi un ouvrage sur l’instruction des princes, et des dialogues entre Dieu et un pécheur. Il aimait les sciences ; on prétend qu’il fut même versé dans la médecine. Dans une lettre à l’archevêque d’Athènes, il fit un pompeux éloge de la cité de Minerve, et il eut toujours pour l’université de Paris les sentimens d’une bienveillante amitié.

Nous ne saurions nous séparer du livre de M. Hurter, sans le