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LA PAPAUTÉ AU MOYEN-ÂGE.

jeune vint au monde vers l’an 1160 ou 1161 ; son père le fit baptiser sous le nom de Lothaire : c’est Innocent III. On sait peu de chose des premières années de Lothaire, de son enfance ; seulement il dut à sa noble origine, qui lui faisait compter trois cardinaux parmi ses plus proches parens, d’entrer à l’école de Saint-Jean-de-Latran. De Rome il se rendit à Paris dont la souveraineté scientifique attirait l’élite de la jeunesse européenne. Lothaire suivit de préférence les leçons de Pierre, chantre de la cathédrale, qui méritait une grande estime par la pureté de sa doctrine ; il s’honora toujours d’un pareil maître, et, quand il fut élevé sur le trône pontifical, il lui conféra tour à tour l’évêché de Cambrai et l’archevêché de Sens. C’était surtout l’Écriture sainte, et son application aux discours publics destinés au clergé et au peuple, qui occupait Lothaire ; néanmoins il ne négligeait pas la sagesse humaine. Le livre de Boëce, de Consolatione philosophiæ, ce manuel des hommes d’état et des savans au moyen-âge, avait pour lui un grand attrait ; l’histoire affermissait sa raison, et l’antique poésie charmait ses loisirs. C’est pendant ce séjour à Paris qu’on place un voyage en Angleterre, où il aurait été s’agenouiller sur le tombeau de Thomas Becket, martyr de la cause de l’église. Quelles pensées s’élevèrent alors dans son ame, et le fils du noble comte ne songea-t-il pas dans sa prière à continuer l’ouvrage du fils du charpentier ?

De Paris, Lothaire alla à Bologne. Les nombreuses ordonnances, les décisions et réponses qu’il rendit quand il fut pape, attestent qu’il y étudia profondément le droit canonique. Enfin il retourna à Rome et reçut les ordres sacrés ; il obtint un canonicat à Saint-Pierre, Grégoire VIII, qui ne régna que cinquante-sept jours, lui conféra le sous-diaconat ; ce fut son oncle maternel, Clément III, qui remplaça Grégoire. Le nouveau pape nomma son neveu, âgé de trente ans, cardinal-diacre, et lui conféra le titre de l’église de Saint-Sergius et de Saint-Bacchus, titre qu’il avait lui-même porté. Nommé cardinal, après avoir donné ses premiers soins à son église, dont il releva les murs et orna l’intérieur, il s’occupa activement des affaires générales auxquelles l’associait sa nouvelle dignité. Ces occupations lui valurent la connaissance des personnages marquans de tous les royaumes chrétiens, et des amitiés auxquelles plus tard il resta fidèle. Sous le règne de Célestin III, il prit moins de part à l’administration de l’église ; depuis long-temps sa famille et celle du nouveau pape étaient ennemies. C’est à cette époque qu’il composa un livre des Misères de la vie humaine, déclamation lugubre sur les douleurs de