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LA PAPAUTÉ AU MOYEN-ÂGE.

Otton ? « Il disait que les clercs qui possédaient des biens, que les évêques qui avaient des droits régaliens, et que les moines qui avaient des domaines ne pouvaient, en aucune manière, espérer faire leur salut ; que toutes ces choses appartenaient au prince temporel, et devaient, par un effet de sa munificence, n’être que le partage des laïcs[1]. » Ainsi, voilà un novateur qui, pour mieux lutter contre l’église, se jette du côté des rois, au point de les déclarer dispensateurs uniques des biens de la terre. Mais il nous faut maintenant passer de cette doctrine à la théorie du pouvoir impérial, élevée par les jurisconsultes italiens.

Entre le pape et l’empereur la mésintelligence ne tarda pas à se glisser. Frédéric avait tenu de mauvaise grace l’étrier à Adrien ; dans une diète à Besançon, des légats avaient présenté une lettre à l’empereur où l’empire était désigné sous le nom de beneficium ; c’était en faire une dépendance féodale du saint-siége. Eh ! de qui Frédéric tient-il l’empire, sinon du pape ? dit un des légats que le comte palatin, Otton de Witelsbach, voulut tuer dans sa colère. Les états protestèrent contre une pareille doctrine ; Adrien fut obligé de se désister expressément de cette prétention, il promit aussi de faire disparaître le tableau de Lothaire II, qui représentait l’empereur à genoux devant le pape Alexandre II. Frédéric passe en Italie, assiège Milan, contraint l’orgueilleuse cité de lui ouvrir ses portes et la dépouille de ses priviléges. Mais ce n’est plus assez pour lui du triomphe des armes ; il lui faut la consécration d’une doctrine qui fonde le droit de la couronne impériale. Par ses ordres, quatre jurisconsultes, élèves du célèbre Irnérius, Bulgare, Martin de Gozia, Jacques et Hugues de la Porte, recherchèrent les droits de l’empire ; ils prononcèrent que tous les fiefs majeurs, que tout ressort et toute juridiction relevaient du trône impérial ; ils établirent que l’empereur avait le droit de lever une capitation générale outre les tributs annuels et les impositions ordinaires ; enfin ils élevèrent le pouvoir impérial à cette formule :

  1. « Is quidem naturæ non hebetis, plus tamen verborum profluvio quam sententiarum pondere copiosus. Singularitatis amator, novitatis cupidus : cujusmodi hominum ingenia ad fabricandas hæreses schismatumque perturbationes sunt prona. Is à studiis à Galliâ in Italiam revertens, religiosum habitum, quò amplius decipere posset, induit omnia lacerans, omnia rodens, nemini parcens : clericorum ac episcoporum derogator, monachorum persecutor, laicis tantùm adulans. Dicebat enim nec clericos proprietatem, nec episcopos regalia, nec monachos possessiones habentes aliquâ ratione salvari posse : cuncta hæc principis esse, ab ejusque beneficentiâ in usum tantùm laicorum cedere oportere. » (De gestis Fred., lib. II, cap. XX.) — Jean de Muller, que nous avons déjà cité, dit aussi qu’Arnauld enseignait que le diable avait séduit le clergé par des richesses et par une gloire périssable, et qu’il se servait de la matière, en elle-même indifférente, pour détruire le règne de Dieu.