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faux dieux ; la Suède était le théâtre de luttes sanglantes entre la cause de l’Évangile et les restes opiniâtres du paganisme ; en Danemark, Harold IV s’était mis en correspondance avec Grégoire VII et avait protégé l’église ; Ladislas avait en Hongrie raffermi les autels catholiques. Ainsi s’organisait la chrétienté, et Rome en était reconnue pour la métropole et la maîtresse. Aussi, est-ce à la voix du pape que l’Europe se précipitera sur l’Asie : elle n’a cette force d’expansion que parce qu’elle se sent véritablement une ; et c’est l’énergie centrale de sa spiritualité qui lui permet les conquêtes et les aventures. Le 15 juillet 1099, un vendredi, à trois heures, le jour et le moment où Jésus-Christ expira, l’élite de la chevalerie européenne entra dans Jérusalem et mit un trône chrétien à côté du Saint-Sépulcre. Ce n’était plus cette Europe tremblante de la fin du Xe siècle qui courbait le front sous la crainte et l’agonie de la mort ; elle tressaillait alors d’orgueil et de foi en elle-même et en son Dieu, et elle ouvrait pour les siècles à venir les rapports de l’Orient et de l’Occident.

Cependant il s’agissait toujours, entre l’Allemagne et l’Italie, de régler la grande affaire des investitures. Henri V avait envoyé au pape une solennelle ambassade qui échoua dans les difficultés épineuses de cette négociation ; quelques années après, il passa en Italie ; il y reçut l’hommage de la comtesse Mathilde, et voulut entrer dans Rome, qui fut contrainte de lui ouvrir ses portes. Il y arracha au pape un traité où Pascal II garantissait à l’empereur le droit d’investiture, pourvu qu’il ne s’y mêlât aucune simonie. Les cardinaux, plus fidèles aux maximes de Grégoire VII, refusèrent de souscrire à ce traité et forcèrent Pascal de le déclarer nul dans un concile tenu à Latran. Henri V, qui était retourné en Allemagne, repassa les Alpes, et s’empara de la succession de Mathilde que la comtesse avait léguée au saint-siége : il se fit couronner à Rome empereur par Bourdin, archevêque de Prague ; Pascal mourut à Bénévent où il s’était réfugié ; son successeur Gelase ne fut pape qu’un an, et ce fut Caliste II qui, enfin, termina la querelle des investitures par le célèbre concordat de 1122. À Worms, dans une assemblée générale de l’empereur, des princes et des états de l’Allemagne, on rédigea un écrit où le pape Caliste, parlant à Henri V, lui accordait que les élections des évêques et des abbés du royaume teutonique se fissent en sa présence, sans violence ni simonie ; l’élu devait recevoir les régales par le sceptre, excepté ce qui appartenait à l’église romaine, et en faire les devoirs qu’il doit faire de droit. Celui qui aura été sacré dans les autres parties de l’empire devait recevoir de l’empereur les régales dans six