l’intérêt de son talent. Impossible de ne pas rire en voyant ces singes examiner à la loupe un paysage de Poussin, qu’ils viennent peut-être de restaurer à la manière des restaurateurs modernes, car j’aperçois dans un coin une vaste bouteille avec cette étiquette : Vernis à retoucher. Rien de plus drôle que leurs grimaces, leurs gestes, leurs costumes. Avec cela un intérieur admirablement éclairé, une couleur délicieuse, des détails rendus avec un fini qui ne nuit nullement à l’effet général. Tout cela me désole, car voilà du talent bien mal employé. Le succès de ces bouffonneries, qui n’auront qu’un temps, j’espère, peut vicier une imagination déjà trop portée à la caricature. Il est vrai que Garrick aimait à faire rire la galerie en s’affublant du rôle d’un apothicaire : cela ne l’empêchait pas de jouer Richard III.
Pour exhaler tout de suite la mauvaise humeur que m’ont donnée peut-être les Singes experts, je passerai au Samson combattant les Philistins, no 499. C’est, à mon avis, le plus faible des tableaux de M. Decamps, c’est aussi le seul où se remarque une imitation évidente. Ses groupes de soldats, son paysage, sa couleur même, moins vraie qu’à l’ordinaire, accusent un pasticcio de Salvator Rosa. J’ajouterai que ses figures sont confuses et comme effacées, toutes d’ailleurs d’une teinte verdâtre. Le ciel et les rochers présentent des tons trop uniformes. Il est juste d’ajouter que toute cette composition est pleine de mouvement ; le Samson frappe de si bon cœur, que l’on sent bien qu’à chaque coup il abat un ennemi. — Je blâme M. Decamps d’avoir placé parmi les Philistins un homme avec un arc et des flèches. Du moment qu’on a vu ces armes qui tuent sûrement et de loin, on ne peut plus croire aux prouesses que fit Samson avec l’instrument que chacun sait.
Joseph vendu par ses frères, no 500, me paraît résumer toutes les qualités de son auteur. Le ciel et les lointains, masqués par une vapeur chaude, sont admirablement rendus. Là, je vois aussi des figures, un peu petites il est vrai, mais étudiées, mais correctes, bien drapées, d’une pantomime juste et naturelle. Et ces chameaux ! quelle vérité dans leur étrangeté ! Comme ils se détachent bien sur ce ciel étincelant de lumière. On se croirait transporté dans le désert.
Remarquons ici la répétition des mêmes accidens de terrains qu’offrent la plupart des paysages de M. Decamps. On dirait qu’il n’a vu d’autre roche que le calcaire d’eau douce à strates bien horizontales. Leur fidèle représentation peut charmer un géologue, mais il me semble que M. Decamps les affectionne par trop. Il donne souvent aux accidens de cette sorte de terrain une étendue qu’ils ont rarement dans la nature. Dans sa Bataille des Cimbres, ces accidens