Page:Revue des Deux Mondes - 1839 - tome 17.djvu/819

Cette page a été validée par deux contributeurs.
815
HISTOIRE DE FRANCE.

gneurs, sans compter les huguenots, faire cinq guerres civiles dans l’espace de sept ans, et combattre le pouvoir royal, renverser l’ordre public à tout propos. En dix-sept ans de ministère ou de règne, Richelieu n’eut à réprimer, du côté des grands, qu’une seule révolte à main armée, ou plutôt une échauffourée, celle de Montmorency, qui étonna plus qu’elle ne troubla la France, et qui ne lui coûta rien. Il réduisit les princes du sang et les plus hauts seigneurs à résigner leur indépendance factieuse et à n’être plus que les premiers sujets d’un roi obéi sans contradiction. Il fonda, non pas le despotisme, car chaque ligne de son Testament politique proteste contre cette supposition, mais la monarchie pure, telle que la définit Montesquieu, avec les limites et les règles de cette forme de gouvernement. La concentration du pouvoir amena la centralisation des forces : le roi eut sous la main les ressources de la nation jusqu’alors morcelées, perdues aux plus misérables usages ; et comme Richelieu, et, après lui, Louis XIV, ne les appliquèrent qu’à de nobles choses, la grandeur de la France sortit de cette révolution. Pour arriver à ces résultats, Richelieu soutint une lutte qui s’en prit toujours à son autorité et souvent à sa vie ; qui commença le lendemain du jour où il devint ministre et qui ne finit que la veille de sa mort ; qui fut engagée par La Vieuville et continuée par les grands jusqu’à Cinq-Mars, par la mère du roi, le frère du roi, la femme du roi, le roi lui-même, qu’on surprend, à la fin de son règne, conspirant contre son sujet. Richelieu employa quatre moyens principaux pour réduire l’aristocratie à l’impuissance. Il tint constamment sur pied une grande force militaire : tandis que cinq armées se formaient, ou qu’elles parcouraient le royaume dans tous les sens pour aller combattre en Espagne, en Italie, en Allemagne, les seigneurs ne pouvaient remuer avec la moindre chance de succès. Il employa, usa contre l’étranger l’activité, l’inquiétude, les talens d’une bonne partie d’entre eux. Il s’appuya sur les dispositions du peuple, qui, appréciant les bienfaits de la paix maintenue et la gloire de nos armes victorieuses, soutint d’une faveur qui ne se démentit qu’un moment, le gouvernement et le ministère. Enfin il se conduisit par les principes de cette insensibilité politique qui voit le but et non les moyens, traite les hommes comme des choses, et ne fait pas plus de cas de la vie des autres que de la sienne : il frappa sans pitié tout ce qui tenta d’agiter la France, sans s’inquiéter si le sang versé retomberait sur sa tête de son vivant, et sur sa mémoire après sa mort.

Trente ans de guerres civiles, et les embarras où s’était trouvé Henri IV, avaient donné aux huguenots une constitution, une puissance politique, des intérêts distincts et indépendans de ceux de l’état et de la couronne, si bien que, dans les temps mauvais et sous un gouvernement faible, ils pouvaient réaliser le projet qu’ils agitèrent pendant ce règne, de constituer une république, de partager le royaume en huit cercles, de distraire la moitié de son territoire, de couper la France en deux parties armées l’une contre l’autre. En supposant impossible la fondation d’une vaste république continentale, l’éta-