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HISTOIRE DE FRANCE.

toutes les parties de la législation et du gouvernement. Malgré l’étendue des demandes, elles partent, si l’on excepte le commerce, d’un esprit si juste et si pratique, qu’il n’en est presque pas une seule qui depuis n’ait été convertie en loi. Dans son cahier, le tiers-état de 1614 porte son attention, donne les conseils de sa science et de son expérience sur sept sujets principaux : la royauté et l’ordre public, l’église, les universités et les hôpitaux, la noblesse, la justice, les finances et le domaine la police et la marchandise. L’intention générale des chapitres de la royauté, de la noblesse, des finances, est manifeste. Le tiers-état veut compléter, achever ce qu’il a commencé par la déclaration de l’indépendance de la couronne et de l’inviolabilité de la personne du prince. Il entend affermir l’ordre public en augmentant l’autorité légitime de la royauté, mais aussi en détruisant des abus. Dans le chapitre de la justice, on pourra reconnaître quels progrès la France avait faits dans la science du droit à l’école de Dumoulin, de Guy-Coquille, de Pithou, de Loyseau. La première et la seconde ordonnance de Blois, celles d’Orléans et de Moulins, formaient déjà un corps de législation. Les députés de 1614 le complètent. L’on ne peut imaginer tout ce que nos codes modernes ont fait d’emprunts à notre ancienne législation et en particulier aux travaux de cette assemblée. À notre avis, le livre de M. Bazin donne trop peu d’indications sur une matière aussi importante.

Le vice radical des précédens états-généraux résidait dans l’impuissance des députés à donner une sanction à leurs décisions et à les rendre obligatoires. La couronne conservait exclusivement le pouvoir législatif, et dès qu’elle refusait de convertir en ordonnances et en édits les cahiers des états, tout le travail de ces assemblées était perdu. Les députés de 1614 tentèrent de changer cet ordre de choses. Ils proposèrent de remplacer l’irrégulière réunion des états-généraux par une convocation périodique et décennale. Ils insistèrent pour que les présens états ne se séparassent pas avant que des commissions permanentes, tirées de leur sein, et de concert avec les ministres du roi, eussent fait passer dans la législation leurs vœux et leurs demandes. Ils insistèrent encore pour que les ordonnances et édits ne devinssent exécutoires qu’après l’enregistrement des parlemens, et pour que la couronne ne violentât pas cet enregistrement.

La régente Marie de Médicis, au lieu de chercher l’affermissement de l’autorité royale dans l’affection et le concours de la nation, gagnés par la franchise et l’utilité des réformes, s’imagina de prendre ses points d’appui dans la bienveillance de quelques membres puissans du clergé, de la noblesse. Comme le tiers-état demandait la suppression des pensions de ces seigneurs, la diminution de leurs priviléges, elle résolut de ne rien exécuter de ces plans de réforme. Elle parvint donc, par des promesses trompeuses, par des concessions temporaires, à renvoyer les députés dans leurs provinces dès qu’ils furent partis, elle donna le mot à ses ministres, et toutes les demandes des commissions échouèrent. La masse de la nation, se voyant trom-