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HISTOIRE DE FRANCE.

présentation nationale, de pouvoir parlementaire, devient absolue sous Richelieu, qui passe et qui laisse en toute propriété au souverain le pouvoir fondé en viager pour le ministre.

Il en est de même dans la législation ; car le cahier du tiers-état présenté à la fin des états-généraux de 1614 renferme déjà, relativement aux personnes et à la propriété, les plus sages dispositions législatives des codes de Louis XIV, et de nos codes modernes.

On retrouve cette transition dans les rapports de la société religieuse avec la société politique. L’église sort des guerres et des intrigues où elle s’était souvent souillée, pour devenir exclusivement la régulatrice de la foi et de la conscience. Les membres du clergé, de laïques fougueux et désordonnés que distinguait seul le costume, deviennent de graves ministres, de saints prêtres. Aux états-généraux de 1614, l’évêque Fenouillet parle déjà ce langage d’onction et de charité qui, dans la bouche de Fénelon, ramènera à la morale et à la religion : déjà, au commencement du règne suivant, le turbulent cardinal de Retz sera un étonnement et un scandale ; déjà l’on pressent la vie austère, évangélique, d’Arnauld, de Bossuet et de tout le clergé de Louis XIV. De plus, la profonde séparation entre les intérêts temporels et spirituels s’établit. D’un côté, la réforme cesse d’être une faction armée, un état dans l’état, pour devenir une simple croyance religieuse ; d’autre part, dans la communion catholique, on formule de la manière la plus précise l’indépendance de la couronne de France à l’égard de l’église et de la cour de Rome ; l’on prépare la consolidation des libertés de l’église gallicane.

Comme la politique et comme l’église, les mœurs se modifient. En une circonstance solennelle, l’égalité de tous devant la loi est proclamée. L’on touche au moment où le règne de la force fera définitivement place à celui du droit et du mérite. Colbert peut devenir ministre, et Fabert maréchal de France.

Enfin, la littérature et les arts ont leur part dans le renouvellement de la société. La composition s’élève à une régularité puissante. Balzac dans la prose, Corneille au théâtre, Malherbe dans la poésie lyrique, Poussin et Vouët dans la peinture, ouvrent ce grand mouvement intellectuel qui atteindra son apogée sous Louis XIV.

Changement prodigieux, admirable rénovation, à la suite desquels la France devint la première puissance de l’Europe par les armes, par l’intelligence, et à bien des égards, quoiqu’on l’ignore ou qu’on le nie, par la liberté, au moins civile. Après avoir montré le terme où parvint la France, sous ce règne, nous repasserons dans les diverses routes qu’elle a parcourues, et nous observerons avec attention sa marche. Pour être intelligible, il nous faut remonter au XVIe siècle. Charles-Quint et Philippe II employèrent leur vie à établir la monarchie universelle et à imposer à l’Europe l’unité catholique. Contester ce projet peut être le sujet d’un jeu d’esprit, mais non la matière d’une discussion sérieuse. François Ier et Henri II, pendant un demi-siècle, disputèrent pied à pied le terrain à Charles-Quint et à son fils, et, en