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LA HONGRIE.

à 1825, pendant lequel tous les comitats, mis en interdit, furent gouvernés par des proconsuls autrichiens, lui parut un long supplice. Le comte Istvan Széchényi commençait alors à se faire connaître. Lui aussi rougissait de l’asservissement de la Hongrie, lui aussi regrettait les anciens jours et soupirait après la liberté perdue. Dessewfyi devint, pour ainsi dire, le patron politique du jeune magnat. Mais, depuis 1825, la cour changea de marche : M. de Széchényi visita la France et l’Angleterre, première faute aux yeux de son vénérable ami ; de plus il vanta les avantages de ces deux pays ; il admira leurs ressources financières, leur commerce, leurs nombreuses manufactures, et il voulut contribuer à faire jouir la Hongrie des mêmes richesses, dût la constitution subir quelques réformes. Dessewfyi renia dès-lors le comte comme un enfant ingrat. « Les attaques de M. de Széchényi contre les dîmes, dit-il dans sa réfutation, ressemblent aux déclamations de tous les révolutionnaires contre la propriété. Le seigneur est maître de ses terres comme le paysan de sa bêche et de sa charrue… Les corvées ne sont que le loyer des terres que le seigneur concède aux paysans. Qui donc songe en France à abolir les fermages ?… D’ailleurs, quel seigneur se refuserait à la suppression des corvées, si les paysans pouvaient les racheter ? »

Ce dernier paragraphe fournissait au comte Istvan des armes trop sûres pour qu’il négligeât de s’en servir. Son adversaire enfermait le débat sur la propriété du sol dans les bornes étroites d’une question financière. Consentir à transiger sur des priviléges, c’était reconnaître ce qu’ils avaient d’abusif. Les nobles français aussi firent un semblable aveu en cédant au fiévreux enthousiasme de la nuit du 4 au 5 août. Que le système féodal ait eu ses avantages, c’est ce que l’on peut soutenir ; mais, comme toutes les institutions humaines, il devait être emporté par le flot des siècles. M. de Széchényi proposa donc de racheter les corvées et les dîmes au moyen d’une banque nationale ; il cita l’exemple de l’Angleterre, qui venait précisément de rendre la liberté aux noirs de la Jamaïque en indemnisant les propriétaires d’esclaves.

La cour de Vienne suivit cette discussion d’un œil attentif, et quoique M. de Metternich continuât de traiter avec un superbe dédain ceux qu’il appelle les sujets asiatiques de l’empire, il mit en jeu toutes les ressources de son esprit pour faire tourner au profit du roi le mouvement qui se manifestait de l’autre côté de la Leytha. L’habile ministre veut aussi détruire les restes de la féodalité, non pas, sans