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au XVIIIe, les Hongrois, placés à l’arrière-garde de l’Europe, durent soutenir contre les Turcs, contribuèrent à nourrir leur esprit remuant et belliqueux. Le long intervalle qui s’écoula de 1529 à 1682 fut perdu pour la civilisation dans ces contrées, théâtre de luttes glorieuses et de déchiremens intérieurs. Le roi n’était qu’un général en chef élu par ses frères d’armes : aussi, comme la Pologne, sa malheureuse voisine, la Hongrie, à la mort de chaque souverain, était-elle ensanglantée par le choc des ambitions rivales. L’élection de Léopold d’Autriche avec réversibilité de la couronne à ses héritiers cicatrisa cette première plaie ; la seconde, l’invasion des Turcs, fut fermée par Sobieski, le prince Eugène et Marie-Thérèse. Tant que l’union de la Hongrie et de l’Autriche ne fut qu’une alliance contre l’ennemi commun, elle resta sincère de part et d’autre ; mais, le danger une fois dissipé, bien des germes de division se sont développés entre deux pays dont l’un est jaloux de ses priviléges, de son indépendance, de sa constitution enfin, et dont l’autre est soumis au régime absolu.

Quelle est, en effet, l’étendue de la puissance du roi de Hongrie ? Le principe d’hérédité, introduit à la place du principe d’élection, s’il a changé l’origine du pouvoir, n’en a que faiblement altéré la nature. En 1215, les barons anglais avaient obtenu de Jean-sans-Terre une reconnaissance de leurs droits contenue dans la grande charte ; sept années plus tard, les magnats hongrois arrachèrent la bulle d’or à la faiblesse d’André ii. Ce serait un utile et curieux travail que la comparaison de ces deux monumens de la même victoire, remportée aux deux extrémités de l’Europe, à l’époque où les rois, en France, commençaient heureusement leurs campagnes contre l’aristocratie. Deux révolutions et le bill de réforme ont singulièrement modifié la charte anglaise ; celle de la Hongrie est, pour ainsi dire, intacte. Quoique cette fameuse clause de la bulle d’André II : « et si nous voulons, nous, ou si nos successeurs veulent en aucun temps déroger à notre disposition, que les évêques et les barons présens et futurs aient la libre et perpétuelle faculté, sans être jamais accusés du crime de haute trahison, de résister au roi et de le contredire… » quoique cette clause ait été abolie à la diète de 1687, l’acte qu’elle confirmait n’en subsiste pas moins, et les rois jurent toujours de l’observer fidèlement.

Chef suprême de l’armée conquérante, le monarque devait gouverner dans l’intérêt de ses chevaliers et par leur intermédiaire. De grandes charges qui existent encore furent créées dans ce double but. La