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REVUE. — CHRONIQUE.

France, pour insulter à la gloire précoce d’un jeune prince, qui se bat comme un vieux capitaine, mais que l’ardeur de l’âge et du caractère peut emporter un instant.

Je ne puis encore vous annoncer la conclusion positive et formelle des affaires belges, c’est-à-dire l’acceptation par la Belgique du traité modifié des 24 articles ; mais depuis ma dernière lettre, la question a fait un grand pas. Le gouvernement s’est prononcé, et il a proposé à la chambre des représentans un projet de loi pour être autorisé à signer l’arrangement définitif et faire les cessions de territoire qui en résultent. Ce sont trois ministres seulement, M. de Theux, le général Wilmar, ministre de la guerre, et M. Nothomb, le premier publiciste du nouvel état, qui ont courageusement assumé la responsabilité de cette grave résolution. Des trois autres ministres, deux, MM. Ernst et d’Huart, voulaient résister quand même, et le troisième, M. de Mérode, voulait qu’on essayât encore de négocier. M. de Theux, dans un second rapport à l’appui du projet de loi dont je viens de parler, n’a pas eu de peine à démontrer qu’il serait insensé de résister, et inutile de tenter des négociations nouvelles que la conférence n’admettrait pas, qui ne seraient soutenues par aucune puissance, et que l’adhésion sans réserve du roi des Pays-Bas aux propositions du 23 janvier avait d’avance frappées de stérilité. Mais ce qui, dans une pareille question, est beaucoup plus significatif et beaucoup plus important que l’adhésion du gouvernement lui-même au traité des 24 articles, c’est l’assentiment de la nation, qui ne me paraît plus douteux. Toutes les grandes villes de la Belgique, à commencer par Bruxelles, Anvers, Liége, Mons, les chambres de commerce, les conseils communaux, adressent des pétitions à la chambre des représentans pour la conjurer de mettre un terme à l’agitation et aux malheurs du pays, en acceptant des propositions plus avantageuses que le traité sanctionné par le congrès et ratifié par le roi au mois de novembre 1831. Ce n’est pas tout. Un des plus respectables magistrats de la Belgique, M. de Gerlache, premier président de la cour de cassation, démontre sans réplique, dans un écrit qui a fait à juste titre la plus vive sensation, que la résistance, au point où en sont les choses, serait en quelque sorte un crime de lèse-patrie. Il fait plus : il prouve que la Belgique a contre elle le droit et la force, ce sont ses propres expressions ; qu’elle a contre elle le droit sur le fond même de ses prétentions à la totalité du Limbourg et du Luxembourg, et sur les nouveaux déclinatoires que ses faux amis voudraient opposer aux obligations contractées en 1831. Cet écrit de M. de Gerlache est peut-être ce qui s’est publié de plus fort sur la question belge, parce que les objections y sont abordées franchement, et les principes fermement établis. Que n’a-t-on pas dit, par exemple, et à Paris et à Bruxelles, sur les prétendus droits que donnait à la Belgique la non-exécution du traité pendant sept ans ? À cela M. de Gerlache répond d’abord qu’il n’y avait point de délai pour l’acceptation, et ensuite que l’exécution n’en a jamais été un instant suspendue, et que pour l’invalider, il aurait fallu que la Belgique fit tout le contraire de ce qu’elle a fait.