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REVUE. — CHRONIQUE.

des troupes de débarquement dans son escadre : c’est que, par la possession de Saint-Jean d’Ulloa, nous sommes bien plus maîtres de la Vera-Cruz, et à moins de risques et à moins de frais, que par une garnison dans la place elle-même. Les esprits les plus prévenus ne croiront sans doute pas que ce soient les Mexicains qui puissent jamais nous en chasser, tant que nous jugerons à propos de nous y maintenir.

J’ai prouvé combien la marche suivie par le ministère du 15 avril dans cette affaire du Mexique, qu’il est destiné à terminer heureusement, comme tant d’autres, avait été sage, humaine, prudemment et habilement calculée, de manière à ne pas multiplier les obstacles, à ne pas laisser un doute sur la loyauté des intentions du gouvernement, à ne pas outrepasser le but qu’on se proposait d’atteindre. Mais, puisqu’un ancien ministre a prétendu y voir de la faiblesse, de l’indécision et de l’inhabileté, parce que le résultat définitif se fait attendre quelques jours, je vous rappellerai, monsieur, pour l’édification du public, un fait qui s’est passé sous le ministère du 11 octobre, auquel appartenait M. Guizot, fait qui présente de l’analogie avec le différend actuel entre le Mexique et la France. Sous le ministère du 11 octobre, la France se mit en lutte avec le demi-canton suisse de Bâle-Campagne, dans l’intérêt des israélites français, auxquels la législation du pays, et plus encore ses préjugés, interdisent la liberté d’établissement et celle de posséder des terres sur le territoire cantonnal. Savez-vous combien cette querelle a duré entre une poignée de grossiers paysans et le gouvernement de la France sous le 11 octobre ? Plus d’un an. Ce qu’il a fallu faire pour triompher du grand conseil de Liestall et de la constitution de Bâle-Campagne ? Mettre Bâle-Campagne en état de blocus, et de blocus hermétique ! Savez-vous à quoi on s’exposait par cette querelle ? Ou à la guerre avec la Suisse qui pouvait prendre fait et cause pour son confédéré, lequel se défendait à Berne auprès du directoire fédéral, comme l’a fait à Lucerne le canton de Thurgovie, et par les mêmes argumens, ou bien à contraindre la Suisse à faire elle-même, par des troupes fédérales, une expédition contre Bâle-Campagne, le tout pour que Bâle-Campagne payât quelques mille francs à un juif de Mulhouse ! Il s’est fait autant de diplomatie pour cette misérable querelle que pour la question belge, et si la chose s’est terminée à l’avantage de la France, savez-vous pourquoi ? C’est que Bâle-Campagne touche à notre frontière du Haut-Rhin, et que l’on pouvait prendre ce canton par famine ! Je recommande ce souvenir à M. Guizot. Le fait que je rappelle lui prouvera que plus un pays est faible, et plus il serait facile et ridicule en même temps de l’écraser, plus aussi il peut pousser loin l’insolence de résister à une grande nation, qui est forte, mais qui est modérée. Je suis sûr qu’à l’époque de leur querelle avec la France, les gens de Liestall, qui avaient un journal intitulé le Rauracien, y évoquaient le nom de Guillaume Tell et le souvenir de la bataille de Morat, comme aujourd’hui les Mexicains le nom de Fernand Cortez ; et je suis bien sûr aussi qu’alors on a imprimé à Paris que le blocus de Bâle-Campagne nous attirerait une guerre avec l’Autriche, et qu’on a cité la prolongation de cette ridi-