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REVUE. — CHRONIQUE.

ment si considérable et si onéreux, quand Alger nous coûte déjà trop cher, quand l’Orient s’agite, quand nous ne sommes pas sûrs de l’alliance anglaise ? Qu’en pensez-vous, monsieur ? Ne vous semble-t-il pas lire ces accusations et mille autres semblables, tous les matins, dans vingt journaux ? Quelle occasion, pour l’un, de s’écrier que la France en veut aux pays libres et aux républiques ; pour l’autre, que le ministère gaspille, dans un intérêt de cour, les forces et les trésors de la nation ; pour un troisième, d’opposer, au mesquin différend de quelques marchands français avec le Mexique, les dangers qui menacent l’Europe du côté de la Perse et de l’Asie centrale ! Maintenant ce qu’il faut examiner, ce sont les raisons qui ont dû porter le gouvernement à commencer par le blocus des côtes du Mexique, bien que par le fait ce moyen soit devenu insuffisant. Or, à mes yeux, ces raisons étaient décisives, et voici comment elles ressortent de la nature même du différend.

La France n’exige pas du Mexique le sacrifice d’une portion de son territoire. Elle n’attaque ni son indépendance, ni sa grandeur, ni les sources de sa prospérité ; elle ne veut lui imposer, ni un gouvernement, ni un prince, ni une constitution. Que lui demande-t-elle donc ? Trois choses : des indemnités pécuniaires pour des pillages, des violations de propriétés, des destructions arbitraires et iniques d’établissemens français, fondés sur la foi des traités, et le principe de la réciprocité entre les deux pays ; une satisfaction pour elle-même, qui consiste dans la destitution de plusieurs fonctionnaires, coupables de procédés injurieux envers la légation du roi, genre de satisfaction qu’un gouvernement ne refuse jamais, quand il reconnaît les torts de ses subordonnés, et qu’il ne peut refuser, sans assumer la responsabilité et l’intention offensante de leurs actes ; enfin, pour l’avenir, non pas des priviléges en faveur des Français, non pas des droits exorbitans, mais le pied d’égalité, qui est accordé aux Mexicains en France, mais notamment la liberté du commerce de détail, qui était assurée aux Français par les déclarations, encore valides, de 1827, et par le traité, non ratifié à Mexico, que le plénipotentiaire mexicain avait signé à Paris le 13 mars 1831. En principe, ce dernier point est peut-être susceptible de contestation ; mais si l’on en venait à reconnaître au gouvernement mexicain le droit d’autoriser ou d’interdire le commerce de détail aux étrangers, il serait impossible de ne pas l’assujétir à l’obligation d’indemniser préalablement les hommes paisibles et inoffensifs qu’il troublerait dans l’exercice de leur industrie, contre tous les usages consacrés depuis long-temps par la civilisation européenne. Si les différends de la France avec le Mexique n’ont pas d’autre objet, ce qui est indubitable, un simple blocus devait suffire pour vaincre la résistance qu’on opposait à nos réclamations ; car le blocus, en tarissant la principale source des revenus de la république, qui sont les produits des douanes, lui coûtait bien au-delà de la somme des indemnités qu’elle refusait de solder. Et d’ailleurs, l’honneur national du Mexique n’y était pas engagé, puisque tous les partis avaient successivement reconnu la légitimité des créances françaises, sauf à discuter