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L’ABBESSE DE CASTRO.

à son secours. Quoique gravement indisposé, il prit la résolution de quitter Castro ; mais, avant de partir, il écrivit à l’abbesse :

« Vous saurez déjà que tout ce qui a été fait est public. Ainsi, si vous prenez intérêt à sauver non-seulement ma réputation, mais peut-être ma vie, et pour éviter un plus grand scandale, vous pouvez inculper Jean-Baptiste Doleri, mort depuis peu de jours ; que si, par ce moyen, vous ne réparez pas votre honneur, le mien du moins ne courra plus aucun péril. »

L’évêque appela don Luigi, confesseur du monastère de Castro :

— Remettez ceci, lui dit-il, dans les propres mains de madame l’abbesse.

Celle-ci, après avoir lu cet infâme billet, s’écria devant tout ce qui se trouvait dans la chambre :

Ainsi méritent d’être traitées les vierges folles qui préfèrent la beauté du corps à celle de l’ame !

Le bruit de tout ce qui se passait à Castro parvint rapidement aux oreilles du terrible cardinal Farnèse (il se donnait ce caractère depuis quelques années, parce qu’il espérait, dans le prochain conclave, avoir l’appui des cardinaux zelanti). Aussitôt il donna l’ordre au podestat de Castro de faire arrêter l’évêque Cittadini. Tous les domestiques de celui-ci, craignant la question, prirent la fuite. Le seul César del Bene resta fidèle à son maître, et lui jura qu’il mourrait dans les tourmens plutôt que de rien avouer qui pût lui nuire. Cittadini, se voyant entouré de gardes dans son palais, écrivit de nouveau à ses frères, qui arrivèrent de Milan en toute hâte. Ils le trouvèrent détenu dans la prison de Ronciglione.

Je vois dans le premier interrogatoire de l’abbesse que, tout en avouant sa faute, elle nia avoir eu des rapports avec monseigneur l’évêque ; son complice avait été Jean-Baptiste Doleri, avocat du couvent.

Le 9 septembre 1573, Grégoire XIII ordonna que le procès fût fait en toute hâte et en toute rigueur. Un juge criminel, un fiscal et un commissaire se transportèrent à Castro et à Ronciglione. César del Bene, premier valet de chambre de l’évêque, avoue seulement avoir porté un enfant chez une nourrice. On l’interroge en présence de mesdames Victoire et Bernarde. On le met à la torture deux jours de suite ; il souffre horriblement ; mais, fidèle à sa parole, il n’avoue que ce qu’il est impossible de nier, et le fiscal ne peut rien tirer de lui.

Quand vient le tour de mesdames Victoire et Bernarde, qui avaient été témoins des tortures infligées à César, elles avouent tout ce qu’elles