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REVUE DES DEUX MONDES.

— Votre révérence sera magnifiquement récompensée, si elle veut bien aider à la réussite de l’affaire fort simple que je vais lui expliquer. D’ici à peu de jours, la sentence qui condamne Jules Branciforte à un supplice terrible va être publiée et rendue exécutoire aussi dans le royaume de Naples. J’engage votre révérence à lire cette lettre du vice-roi, un peu mon parent, qui daigne m’annoncer cette nouvelle. Dans quel pays Branciforte pourra-t-il chercher un asile ? Je ferai remettre 50,000 piastres au prince, avec prière de donner le tout ou partie à Jules Branciforte, sous la condition qu’il ira servir le roi d’Espagne, mon seigneur, contre les rebelles de Flandre. Le vice-roi donnera un brevet de capitaine à Branciforte, et, afin que la sentence de sacrilége, que j’espère bien aussi rendre exécutoire en Espagne, ne l’arrête point dans sa carrière, il portera le nom de baron Lizzara ; c’est une petite terre que j’ai dans les Abruzzes, et dont, à l’aide de ventes simulées, je trouverai moyen de lui faire passer la propriété. Je pense que votre révérence n’a jamais vu une mère traiter ainsi l’assassin de son fils. Avec 500 piastres, nous aurions pu depuis long-temps nous débarrasser de cet être odieux ; mais nous n’avons point voulu nous brouiller avec Colonna. Ainsi, daignez lui faire remarquer que mon respect pour ses droits me coûte 60 ou 80,000 piastres. Je veux n’entendre jamais parler de ce Branciforte, et sur le tout présentez mes respects au prince.

Le fratone dit que sous trois jours il irait faire une promenade du côté d’Ostie, et la signora de Campireali lui remit une bague valant 1,000 piastres.

Quelques jours plus tard, le fratone reparut dans Rome, et dit à la signora de Campireali qu’il n’avait point donné connaissance de sa proposition au prince ; mais qu’avant un mois le jeune Branciforte serait embarqué pour Barcelone, où elle pourrait lui faire remettre, par un des banquiers de cette ville, la somme de 50,000 piastres.

Le prince trouva bien des difficultés auprès de Jules ; quelques dangers que désormais il dût courir en Italie, le jeune amant ne pouvait se déterminer à quitter ce pays. En vain le prince laissa-t-il entrevoir que la signora de Campireali pouvait mourir ; en vain promit-il que dans tous les cas, au bout de trois ans, Jules pourrait revenir voir son pays, Jules répandait des larmes, mais ne consentait point. Le prince fut obligé d’en venir à lui demander ce départ comme un service personnel ; Jules ne put rien refuser à l’ami de son père ; mais, avant tout, il voulait prendre les ordres d’Hélène. Le prince daigna se charger d’une longue lettre ; et, bien plus, permit à Jules