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L’embarras d’Hélène fut assez grand pour sortir. Enfin, ce même petit marchand qui lui avait fait parvenir les lettres de Branciforte consentit à la faire passer pour sa fille et à l’accompagner jusque dans Albano. Hélène y trouva une cachette chez sa nourrice, que ses bienfaits avaient mise à même d’ouvrir une petite boutique. À peine arrivée, elle écrivit à Branciforte, et la nourrice trouva, non sans de grandes peines, un homme qui voulut bien se hasarder à s’enfoncer dans la forêt de la Faggiola, sans avoir le mot d’ordre des soldats de Colonna.

Le messager envoyé par Hélène revint au bout de trois jours, tout effaré ; d’abord, il lui avait été impossible de trouver Branciforte, et les questions qu’il ne cessait de faire sur le compte du jeune capitaine ayant fini par le rendre suspect, il avait été obligé de prendre la fuite.

Il n’en faut point douter, le pauvre Jules est mort, se dit Hélène, et c’est moi qui l’ai tué ! Telle devait être la conséquence de ma misérable faiblesse et de ma pusillanimité ; il aurait dû aimer une femme forte, la fille de quelqu’un des capitaines du prince Colonna. La nourrice crut qu’Hélène allait mourir. Elle monta au couvent des capucins, voisin du chemin taillé dans le roc, où jadis Fabio et son père avaient rencontré les deux amans au milieu de la nuit. La nourrice parla long-temps à son confesseur, et, sous le secret du sacrement, lui avoua que la jeune Hélène de Campireali voulait aller rejoindre Jules Branciforte, son époux, et qu’elle était disposée à placer dans l’église du couvent une lampe d’argent de la valeur de cent piastres espagnoles.

— Cent piastres ! répondit le moine irrité. Et que deviendra notre couvent, si nous encourons la haine du seigneur de Campireali ? Ce n’est pas cent piastres, mais bien mille, qu’il nous a données pour être allés relever le corps de son fils sur le champ de bataille des Ciampi, sans compter la cire.

Il faut dire en l’honneur du couvent que deux moines âgés, ayant eu connaissance de la position exacte de la jeune Hélène, descendirent dans Albano, et l’allèrent voir dans l’intention d’abord de l’amener de gré ou de force à prendre son logement dans le palais de sa famille : ils savaient qu’ils seraient richement récompensés par la signora de Campireali. Tout Albano était rempli du bruit de la fuite d’Hélène et du récit des magnifiques promesses faites par sa mère à ceux qui pourraient lui donner des nouvelles de sa fille. Mais les deux moines furent tellement touchés du désespoir de la pauvre Hélène, qui croyait Jules Branciforte mort, que, bien loin de la trahir