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LA PAPAUTÉ AU MOYEN-ÂGE.

respondre avec Rome sans sa permission, et soumettait tous les décrets ecclésiastiques à la sanction de sa royale autorité. L’Angleterre avait déjà les instincts de la séparation et de l’indépendance. Cependant les affaires de l’Allemagne revenaient toujours plus pressantes et plus compliquées. Les envoyés de Rodolphe de Souabe parurent dans le septième synode que Grégoire VII ouvrit à Rome, et présentèrent contre Henri IV une suite de griefs dont la gravité arracha au pape une nouvelle excommunication et la reconnaissance formelle de Rodolphe comme roi des Allemands. Dès qu’Henri reçut cette nouvelle, il convoqua à Mayence une assemblée du clergé et de la noblesse, et il y fit décider la réunion immédiate d’un concile à Brixen. Dans cette ville du Tyrol, trente évêques et un grand nombre de princes et seigneurs, optimatum exercitus, portèrent un décret qui déposait et vouait à la damnation éternelle Hildebrand, le nécromancien, le moine possédé de l’esprit infernal, le déserteur de la véritable foi. Puis les évêques élurent unanimement pour pape Guibert de Ravenne, sous le nom de Clément III. Ainsi désormais la chrétienté était partagée entre deux papes et deux empereurs.

L’adversité s’approchait peu à peu de Grégoire VII et s’apprêtait à lui demander de nouveaux témoignages de force et de grandeur. Rodolphe de Souabe, qu’il avait reconnu, mourut frappé d’un coup mortel à la fin de la bataille d’Elster qu’il venait de gagner, payant la victoire de sa vie. Cette catastrophe imprévue devait bientôt ramener en Italie Henri IV, qui ne tarda pas, en effet, à inviter ses fidèles sujets à le suivre au-delà des monts. Tous les ennemis du pape en Lombardie tressaillaient d’espérance. Grégoire, sans s’épouvanter, chercha un appui dans Robert Guiscard, qui estimait de son côté qu’une réconciliation avec Rome doublerait sa puissance ; mais il arriva que, par son alliance avec Robert, le pape devint l’ennemi de l’empereur grec, qui se mit à rechercher l’amitié de l’empereur d’Allemagne. Enfin, Henri IV passa en Italie avec une armée nombreuse. Après un court séjour à Vérone, il envahit les états de Mathilde, assiégea Florence, qui dut capituler, et arriva devant les murs de Rome avec l’anti-pape Guibert. Ses troupes campèrent dans les prairies de Néron, devant le fort Saint-Pierre, et elles y restèrent deux ans, exposées aux sorties et aux insultes des Romains. Henri IV se dédommageait de ces humiliations sur les domaines de Mathilde, dont il ne put cependant abattre le courage. Cette femme héroïque parvint même à envoyer au pontife une somme d’argent considérable. Enfermé dans Rome, Grégoire n’épargnait rien pour fortifier