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que dix papes se soient succédé dans les dix-huit dernières années du IXe siècle, cette multiplicité ne fut pas un obstacle à la persévérance de la même politique. Le pape Formose couronna successivement deux empereurs, Lambert et Arnoulf : deux ans après, il convoqua un concile à Ravennes, où la souveraineté de l’empire d’Occident sur Rome et sur l’état ecclésiastique fut hautement reconnue. Il est facile de comprendre que l’évêque de Rome avait encore besoin de se déclarer lui-même l’inférieur de l’empereur, pour garder le droit de le couronner.

Cependant s’éteignait en Allemagne, par la mort de Louis IV, fils d’Arnoulf, la lignée bâtarde de Charlemagne, et les Allemands ne permirent pas à la couronne transrhénane de se poser sur la faible tête de Charles-le-Simple, qui réunissait dans sa personne tous les droits de la maison carlovingienne. Ce fut l’aristocratie saxonne, cette fière noblesse dont les ancêtres avaient si vaillamment résisté à Charlemagne, qui recueillit son héritage germanique et reçut le pouvoir de la généreuse déférence des ducs de Franconie. À Mersebourg, Henri-l’Oiseleur fonda l’indépendance de la race allemande sur les cadavres des Hongrois. Son fils Othon répéta ce triomphe, et, sous les murs d’Augsbourg, assura la délivrance de son pays. Désormais les Hongrois devinrent plus sédentaires, et, loin de se répandre au dehors, ils s’environnèrent chez eux de fossés et de remparts : la race primitive, le sang turc ou finnique, se mêla avec de nouvelles colonies slaves. Geysa, un de leurs chefs, épousa une princesse de Bavière, accorda des dignités à des nobles de l’Allemagne, se fit chrétien, entraîna les siens par son exemple aux autels catholiques, et la nation hongroise devint un des peuples les plus braves et les plus chevaleresques de l’Europe.

Rome était dans une situation singulière. Le patrice Alberic l’avait gouvernée jusqu’en 954 : son fils Octavien, qui avait succédé à son autorité civile, prit, en 956, le titre de pape et le nom de Jean XII. C’était un enfant imprudent et dissipé, dont les mœurs, au surplus, étaient celles de Rome même, théâtre de ses folies ; car alors, au rapport de Luitprand, lorsqu’on voulait désigner un homme perfide, avare, vicieux, on l’appelait un Romain. Jean XII envoya des députés à Othon pour le prier de le défendre contre les fureurs de Bérenger et du comte Adalbert, son fils, et pour lui proposer la couronne impériale. Ainsi, encore une fois, l’évêque de Rome sollicitait le roi des Allemands de se déclarer empereur ; il répète à la maison de Saxe l’offre adressée aux Carlovingiens. Le pape est un jeune