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Cette période est une, progressive, complète : elle a sa raison comme un système, son dénouement comme une tragédie ; elle satisfait la foi du croyant, l’imagination de l’artiste, l’intelligence du penseur ; elle est la manifestation historique du christianisme, son exaltation, sa gloire ; elle est pour le catholicisme ce que furent pour le polythéisme grec les années qui s’écoulèrent depuis Solon jusqu’à Périclès.

Nous croyons n’avoir besoin d’aucun effort pour être juste envers le moyen-âge, et nous en parlerons sans engouement comme sans mépris. Nous ne sommes pas de ceux qui font des prospérités du catholicisme et de la papauté l’apogée du bonheur et de la vérité dont puissent jouir les hommes : nous pensons au contraire que la chute de la théocratie romaine, dans sa prétention à la suprématie politique, a été la condition nécessaire des progrès ultérieurs de l’Europe ; mais comme avant la décadence a brillé une gloire utile au monde, il est juste de s’en rendre compte, et d’en reconnaître la raison et la valeur. Les luttes du sacerdoce et de l’empire n’affectent pas plus les intérêts présens que les discordes du patriciat antique et de la démocratie romaine. Les cinq siècles qui nous séparent de cette grande querelle ont si bien transformé l’Europe, que nous pouvons parler des affaires des papes et des impériaux avec un désintéressement plus facile encore en France qu’en Allemagne. Notre clergé gallican, nos parlemens et nos rois nous ont préservés des violences sacerdotales qui ont désespéré les princes des maisons salique et de Souabe, et comme presque toujours la France a su se défendre avec bonheur des empiétemens de la papauté, il se trouve que nos traditions historiques ne nous ont légué ni ressentimens contre elle, ni enthousiasme suranné pour ce qui lui reste de prétentions et de regrets. En Allemagne, il y a encore des publicistes qui se passionnent pour la cause de l’église, ou pour le parti des Hohenstaufen, et qui enveniment les dissensions contemporaines avec l’âcreté de leurs souvenirs. À lire certains endroits de l’Athanasius de Gœrres, ne dirait-on pas un contemporain d’Alexandre III, et n’est-il pas sensible que la mystique éloquence du professeur de Munich veut renouer la chaîne des temps avec les colères du XIIe siècle ? Ici nous sommes à l’abri de semblables réminiscences ; pour les débats, les partis, les excès, les qualités, les mérites, et les grandeurs de ces anciens jours, nous ne pouvons avoir que cette curiosité impartiale de l’esprit qui double le plaisir du spectacle parce qu’il en augmente l’intelligence.

Trois cents ans après la prédication de l’Évangile, Constantin im-