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rôles du répertoire. Tant que l’état de la voix de Mlle Falcon a laissé quelque espoir, on n’a pas dû se montrer trop exigeant ; mais aujourd’hui que toute chance de retour est perdue, il faut absolument qu’on sorte d’un provisoire dont ni le public, ni les maîtres ne sauraient s’accommoder désormais, et que l’élève de Duprez se produise à la place de l’élève de Nourrit, éloignée de la scène. Alors seulement on retrouvera les splendides soirées des Huguenots ; car, pour quiconque n’ignore pas les profondes ressources de l’art du chant, il n’est pas douteux que Duprez, qui n’a guère été soutenu jusqu’ici que dans les rares duos qu’il chante avec Mme Dorus, ne puise une force nouvelle d’inspiration dans le voisinage d’une jeune cantatrice, sinon son égale, du moins digne lui.

La partition de M. Meyerbeer ne sera guère livrée à l’Académie royale de musique avant l’hiver prochain. En attendant, l’illustre maître travaille à composer, avec de bien précieux fragmens laissés par Weber, une œuvre que le roi de Saxe attend pour l’inauguration de la nouvelle salle qui se construit à Dresde. L’intendant de la musique de sa majesté est en ce moment à Paris pour ce sujet, qui se traite comme une affaire d’état à la légation de Saxe, chez le baron de Kœneritz. — On a parlé de changemens dans l’administration de l’Opéra : il a été question en effet de M. Viardot à la place de M. Duponchel, et d’une combinaison immense qui réunirait dans les mêmes mains le Théâtre-Italien, l’Académie royale et le Queen’s-Theatre. Mais tous ces grands projets ont échoué, du moins pour ce qui regarde l’Opéra. On ne saurait trop louer la commission du zèle qu’elle a mis en cette affaire. Rien n’est plus déplorable en effet que ces sortes d’abdications à prix d’or ; il en résulte un grand dommage pour l’art dont les intérêts sont abandonnés le plus souvent à des entrepreneurs qu’aucun antécédent ne recommande, et la dignité du théâtre en souffre presque toujours. Lorsqu’un ministre vous accorde le privilége de l’Opéra, c’est apparemment pour que vous l’exploitiez à vos risques et périls, jusqu’à l’expiration du bail, et non pour que vous saisissiez la première occasion de vous en défaire. — C’est M. de Coigny qui remplace M. de Choiseul dans la présidence de la commission des théâtres royaux. L’opinion publique avait désigné tout d’abord M. le marquis de Louvois ; M. de Louvois, dans une lettre pleine de modestie et de réserve, a déclaré qu’il se contenterait d’entrer dans la commission en qualité de simple membre. Et certes, ce serait là un choix auquel on ne saurait trop applaudir : la musique ne peut que gagner à l’influence du noble pair dont chacun connaît le goût exquis et le dilettantisme éclairé.

Le théâtre de la Bourse a représenté, à quelques semaines de distance, deux opéras nouveaux de M. Adam, le Brasseur de Preston et Régine. M. Adam a pour lui cette triste facilité d’écrire que nous déplorions tout à l’heure chez Donizetti. Il faut absolument que chaque année M. Adam produise ses trois partitions ; les temps où l’auteur du Postillon de Lonjumeau ne fait que six ou sept actes en douze mois, sont pour lui des temps de sécheresse et de disette. Sérieusement, quel résultat peut-on attendre d’un tel abus des meil-