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l’a soutenu dans cette Revue même M. de Schlegel, comme le veut M. Ozanam, et comme nous le croyons nous-mêmes, peu importe ; mais il a été un grand philosophe autant qu’un grand poète, et le nom de M. Ozanam est désormais associé avec honneur à cette assertion dans l’histoire littéraire.


Des premiers principes selon Speusippe. — De l’Habitude, par M. Félix Ravaisson[1]. — L’unité que Platon avait imprimée par son enseignement à la philosophie grecque tout entière, disparut avec lui. Ses élèves, Speusippe, Xénocrate et Hestiée, restèrent à peu près fidèles à la doctrine du maître, tandis qu’Aristote se sépara ouvertement et constitua une école puissante et distincte. Le plus direct héritier et continuateur de Platon fut donc son neveu Speusippe qui, pendant huit années, continua ses leçons à l’Académie. L’érudition, on le sait, fut le principal caractère de ces successeurs de Platon ; mais ce qui concerne les opinions de Speusippe était resté fort obscur jusqu’ici. On savait bien, d’après Diogène Laërce et Athénée, qu’il avait laissé, un grand ouvrage en deux livres sur le semblable dans les choses du monde, et quelques passages fort peu explicites de la Métaphysique d’Aristote, de Cicéron, de Sénèque, de Théophraste, d’Aulu-Gelle, de Sextus Empiricus, d’Iamblique, de Clément d’Alexandrie, avaient servi au docteur Ritter pour reconstruire, tant bien que mal, dans son excellente Histoire de la Philosophie ancienne, les opinions de Speusippe. La science de M. Ritter avait assez bien réussi en certains points, mais les textes fort obscurs et en apparence contradictoires d’Aristote sur les premiers principes selon le neveu de Platon, ne lui avaient pas suffi pour éclairer ce point ardu, et si important néanmoins dans l’histoire des doctrines grecques. Sans modifier essentiellement ses croyances, Platon s’était, vers la fin de sa carrière, préoccupé surtout de la théorie des nombres de Pythagore. Ses disciples suivirent-ils cette tendance ? Quelles modifications y apporta Speusippe, d’après son génie propre, et quel fut en définitive le système de ce successeur de Platon ? Questions difficiles, obscures, pour la solution desquelles les textes positifs manquent ; questions où ont échoué l’érudition si étendue et la perspicacité habituelle de M. Ritter. C’est à M. Ravaisson qu’il était donné de les résoudre définitivement, et le nom de ce jeune écrivain qui s’était déjà attaché avec honneur à celui d’Aristote, est sûr désormais d’être toujours rappelé quand on parlera de Speusippe. Les historiens de la philosophie n’avaient guère jusqu’ici consacré que quelques lignes à cet héritier des théories platoniciennes, à l’homme qui fut presque le rival d’Aristote et qui défendit les nobles doctrines de son maître contre les envahissemens souvent légitimes du Stagyrite. Aujourd’hui ce silence n’est plus possible après la dissertation de M. Ravaisson. Il fallait connaître aussi bien que lui la Métaphysique pour retrouver avec certitude les opinions de Speusippe dans certains passages faciles pour les contemporains, insaisissables pour nous, où Aristote expose ou contredit des théories dont il ne nomme

  1. In-8o, chez Joubert, rue des Grés, 14.