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REVUE LITTÉRAIRE.

Et ma lèvre était tout en flamme.
J’arrivai, mais à peine eus-je effleuré les bords
Qu’un frisson douloureux me saisit tout le corps,
J’étais en face de mon ame.

Et dans ce moment-là les colombes des cieux,
Avec un cri d’amour, descendaient deux à deux
Pour y baigner leurs tendres ailes ;
Et moi je reculai, je partis en pleurant,
Hélas ! je n’osais boire au céleste torrent,
Moi n’étant pas aussi pur qu’elles.

Une jeune fille qui, après avoir été virginalement aimée, se serait faite religieuse, pourrait presque lire et chanter sous la grille cette mystique romance inspirée par son chaste souvenir :

DANS SA CELLULE.

À vous, ma Colombe voilée,
À vous les roses de l’espoir,
Et les brises de la vallée,
Et les enchantemens du soir !

À vous la nuit silencieuse
Qui parfume nos régions ;
À vous l’étoile gracieuse
Qui fait pleuvoir tant de rayons !

À vous, fille des solitudes,
À vous les sublimes concerts,
Et les célestes quiétudes
D’un cœur dégagé de ses fers !

À vous qui, lasse de l’hommage
Qu’on vous prodigua tant de fois,
Avez tout quitté pour l’image,
La sainte image de la Croix ;

Et bien loin des routes mortelles
Dont l’éclat vous séduisait peu,
Avez replié vos deux ailes
Près du tabernacle de Dieu !

Oh ! dans cette enceinte profonde,
Vous reniez, vous dépouillez
Les derniers souvenirs du monde,
Comme autant de bandeaux souillés.

Là-bas, près du fleuve qui coule,