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SPIRIDION.

et de légèreté. Dans les sciences, la difficulté vaincue est si enivrante, que les résolutions consciencieuses, les instincts du cœur, la morale de l’ame, sont sacrifiés, en un clin d’œil, aux triomphes frivoles de l’intelligence. Plus je courais à ces triomphes, plus celui que j’avais rêvé d’abord me paraissait chimérique. J’arrivai enfin à le croire inutile autant qu’impossible ; je résolus donc de ne plus chercher des vérités métaphysiques sur la voie desquelles mes études physiques me mettaient de moins en moins. J’avais étudié les mystères de la nature, la marche et le repos des corps célestes, les lois invariables qui régissent l’univers dans ses splendeurs infinies comme dans ses imperceptibles détails ; partout j’avais senti la main de fer d’une puissance incommensurable, profondément insensible aux nobles émotions de l’homme, généreuse jusqu’à la profusion, ingénieuse jusqu’à la minutie en tout ce qui tend à ses satisfactions matérielles, mais vouée à un silence inexorable en tout ce qui tient à son être moral, à ses immenses désirs, fallait-il dire à ses immenses besoins ? Cette avidité avec laquelle quelques hommes d’exception cherchent à communiquer intimement avec la divinité, n’était-elle pas une maladie du cerveau, que l’on pouvait classer à côté du dérèglement de certaines croissances anormales dans le règne végétal et de certains instincts exagérés chez les animaux ? N’était-ce pas l’orgueil, cette autre maladie commune au grand nombre des humains, qui parait de couleurs sublimes et rehaussait d’appellations pompeuses cette fièvre de l’esprit, témoignage de faiblesse et de lassitude, bien plus que de force et de santé ? Non, m’écriai-je, c’est impudence et folie, et misère surtout, que de vouloir escalader le ciel. Le ciel ! ce mot sur lequel le grand homme saint Bernard se perdait en concetti ridicules, et qui n’existe nulle part pour le moindre écolier rompu au mécanisme de la sphère ! le ciel, où le vulgaire croit voir, au milieu d’un trône de nuées formé des grossières exhalaisons de la terre, un fétiche taillé sur le modèle de l’homme, assis sur les sphères ainsi qu’un ciron sur l’Atlas ! le ciel, l’éther infini parsemé de soleils et de mondes infinis, que l’homme s’imagine devoir traverser après sa mort comme les pigeons voyageurs passent d’un champ à un autre, et où de pitoyables rhéteurs théologiques choisissent apparemment une constellation pour domaine et les rayons d’un astre pour vêtement ! le ciel et l’homme, c’est-à-dire l’infini et l’atome ! quel étrange rapprochement d’idées ! quelle ridicule antithèse ! Quel est donc le premier cerveau humain qui est tombé dans une pareille démence ? Et aujourd’hui un pape, qui s’intitule le roi des ames, ouvre