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but plutôt que le moyen, et, selon nous, la difficulté principale, celle de l’exécution, subsiste toute entière. Les gouvernemens qui accepteraient le traité dans les termes qu’on propose, auraient-ils le pouvoir de faire respecter leur engagement ? Qu’on prenne la peine d’y réfléchir. Espère-t-on que chaque pays établira un service spécial, pour surveiller une industrie qui a besoin de liberté ? Et quand un ballot de livres sera présenté à un bureau de douanes, ira-t-on démêler les livres de propriété des livres tombés dans le domaine public, c’est-à-dire imposer aux douaniers une tâche qui exige souvent toute la sagacité des tribunaux ? Les personnes qui connaissent la librairie, sentiront qu’on pourrait multiplier à l’infini les objections de ce genre.

Évidemment, chaque fois qu’un gouvernement s’engagera à prendre l’initiative de la répression, il faudra profiter de ces dispositions favorables ; mais, on doit prévoir le cas où une puissance étrangère se refuserait à entrer dans l’alliance, sous prétexte qu’on ne peut, ni poursuivre d’office un délit qu’il n’est pas toujours facile de constater, ni multiplier les prohibitions que réprouve le commerce en général. Pour rendre acceptables, alors, les termes d’une négociation, il suffira de demander qu’on prenne en considération la plainte du propriétaire lésé, lorsque celui-ci se sera porté partie civile. Cette unique garantie est bien faible sans doute, mais la nature de la propriété littéraire permet rarement d’en espérer une plus efficace. La France elle-même ne saurait accorder à son propre commerce une protection plus étendue. Napoléon avait nommé des inspecteurs de la librairie, dont l’inutilité a été depuis reconnue. Aujourd’hui, chaque éditeur français est forcé de constater les atteintes portées à son droit, et d’en poursuivre lui-même la réparation devant les tribunaux.

« Les biens d’un particulier, dit Vattel, d’accord avec tous les auteurs qui ont écrit sur le droit des gens, ne cessent pas d’être à lui parce qu’il se trouve en pays étranger, et ils font encore partie de la totalité des biens de sa nation. Les prétentions que le seigneur du territoire voudrait former sur les biens d’un étranger seraient donc également contraires aux droits du propriétaire et à ceux de la nation dont il est membre. » Dans certains pays, l’étranger n’est pas admis à posséder des immeubles : c’est qu’alors, des droits politiques sont attachés à la possession de la terre. Mais il n’est plus un seul peuple civilisé chez lequel l’étranger ne puisse jouir librement de ses biens mobiliers, et réclamer au besoin l’intervention de la justice locale. La propriété intellectuelle, dont les qualités n’ont pas encore été exactement définies, se rapproche beaucoup plus de la propriété mobilière que de l’autre, et on ne peut objecter contre elle aucune cause d’exclusion. L’auteur d’un livre contrefait, quoique absent corporellement, doit donc être assimilé

    avantage bien marqué, porter atteinte à la liberté des transactions commerciales. Si, par suite des négociations, la circulation des contrefaçons belges devenait impossible dans les contrées méridionales, l’interdiction du transit par la France ne serait plus qu’une dérogation inutile au droit commun.