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DE LA PROPRIÉTÉ LITTÉRAIRE.

France, sans le consentement de l’auteur, ou de ses ayants droit. — Toute réimpression desdits ouvrages, en contravention à cette défense, sera réputée contrefaçon et punie des mêmes peines. — Cette disposition sera exclusivement appliquée à l’égard des états qui auront assuré la même garantie aux ouvrages en langue française ou étrangère publiés pour la première fois en France. »

On voit que la loi en discussion n’implique pas une reconnaissance formelle du droit des auteurs : elle n’est qu’un contrat de convenance mutuelle. Nous l’avouerons, il nous eût paru plus grand, plus digne de la nation française, à qui appartient d’ordinaire l’initiative des résolutions généreuses, de proclamer hautement que la propriété littéraire est inviolable, et que tous les titres légalement acquis en pays étrangers sont valables devant nos tribunaux. En effet, ne serait-il pas juste d’accorder à un auteur, dont la pensée, dont l’ame, parcourant un pays, y laisse une trace lumineuse, ce qu’on ne refuse plus au voyageur qui promène son désœuvrement sur les grandes routes, et qu’on admettrait à revendiquer en justice le bagage qu’on lui aurait volé ? Dans les affaires qui doivent se traiter à la vue des peuples, la générosité devient parfois de l’adresse. Un bel exemple eût peut-être entraîné toutes les nations, même celles qui profitent de l’abus, tandis qu’une réciprocité strictement débattue ne sera acceptée que par les états qui y doivent trouver leur compte. Mais la reconnaissance absolue de la propriété littéraire eût contrarié l’article 11 de notre Code civil, qui déclare que l’étranger jouira seulement en France des droits civils accordés aux Français par les traités de la nation à laquelle cet étranger appartiendra. Les juristes n’eussent pas manqué d’ajouter que, si les législateurs de la Constituante appliquèrent, même à l’égard des étrangers, les lois de la justice éternelle, ils furent contredits sur ce point par les rédacteurs de nos Codes, qui pensèrent qu’une réciprocité rigoureuse est le moyen d’amener les autres peuples à l’abandon des droits abusifs qu’ils s’arrogent. Acceptons ce raisonnement, et descendons de la sphère élevée des principes sur le terrain, quelque peu embarrassé, des intérêts matériels.

Examinons d’abord quelles doivent être les bases de la convention mutuelle. Le ministre ne s’est pas prononcé sur ce point dans son rapport. Il est probable cependant qu’il adopte l’avis des commissaires nommés en 1836, puisque l’article qui concerne la contrefaçon extérieure est littéralement emprunté à leurs conclusions. En conséquence, des négociations devraient s’ouvrir particulièrement entre la France, l’Angleterre et l’Allemagne, afin d’amener ces pays à l’engagement mutuel : 1o  de réprimer à l’intérieur la fabrication des contrefaçons ; 2o  de frapper de prohibition et d’interdire le transit à celles qui viennent de l’étranger[1]. Or, la commission a indiqué le

  1. Cette disposition est introduite dans le projet de loi, dont elle forme le dernier paragraphe. Mais peut-être en a-t-on exagéré l’importance. En 1836, la valeur totale des contrefaçons admises au transit n’a pas dépassé 113,585 francs. En général, il ne faut pas, sans un