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tholiques, opéré plus tard en pleine paix[1], et sans la triste excuse de la nécessité, même sans celle du péril, interdit désormais à la masse de la nation de concourir au choix des membres d’un parlement qu’elle dut regarder, à toutes les époques de son histoire, comme son ennemi naturel et irréconciliable. On va voir si ce sentiment fut justifié par les actes législatifs qui, après la révolution libérale de 1688, et jusqu’à la fin du siècle dernier, ont régi en Irlande la condition des personnes.

Tout mariage entre catholique et protestant possédant des propriétés en Irlande était déclaré nul, sous peine de mort pour le prêtre qui l’aurait consacré. Lorsqu’une telle union avait lieu, l’éducation des enfans appartenait de droit à celui des époux professant la religion réformée. Aucun catholique ne pouvait être tuteur, tenir une école ou enseigner même dans une maison privée, et les pénalités les plus graves atteignaient quiconque envoyait ses enfans sur le continent pour être élevé dans la religion romaine. Lorsque le fils d’un père catholique embrassait la religion anglicane, il pouvait s’approprier, du vivant de son père, son héritage immobilier, en lui payant une simple rente. En cas d’ouverture d’une succession à laquelle étaient appelés des héritiers de deux croyances, elle passait en totalité à ceux professant la religion protestante. Si tous les enfans étaient catholiques, la division des terres s’opérait entre eux par portions égales, contrairement à ce qui avait lieu pour les familles protestantes que le droit de primogéniture tendait à maintenir. Tout catholique était privé du droit d’acheter une propriété territoriale, il ne pouvait même la prendre à long bail, et tout fermier de cette religion, dont le bénéfice excédait de plus d’un tiers le prix de la location, pouvait être dépossédé sur la réclamation d’un protestant subrogé à son lieu et place. Il était interdit aux catholiques d’avoir des armes même pour leur défense personnelle, et les magistrats pouvaient en tout temps pénétrer dans leur demeure pour constater des contraventions à cet égard. Tout protestant convoitant le cheval d’un catholique avait le droit de s’en emparer, en lui payant cinq livres sterling, montant de sa valeur légalement présumée. Les chevaux des fermiers catholiques étaient saisis de droit pour le service de la milice en cas de guerre. Ajoutons que, bien que les catholiques fussent appelés dans cette circonstance à payer la dette de leur sang, lorsque la guerre se faisait contre une puissance

  1. 1727.