Page:Revue des Deux Mondes - 1839 - tome 17.djvu/349

Cette page a été validée par deux contributeurs.
345
DE L’IRLANDE.

relever l’intérêt catholique et national si cruellement écrasé. Mais la bataille de la Boyne rendit bientôt aux ennemis de l’Irlande une prépondérance qu’ils ont maintenue si long-temps, et dont ils défendent aujourd’hui les restes avec des efforts désespérés.

Si Guillaume III usa personnellement envers les vaincus d’une modération qui tenait à son caractère et plus encore à sa politique, les whigs des XVIIe et XVIIIe siècles, préparant à leurs successeurs du XIXe siècle le devoir d’une expiation tardive et incomplète, épuisèrent sur ce peuple tout ce que la haine sait emprunter de froides cruautés à l’arsenal d’une légalité tyrannique. Les terres échappées aux confiscations des époques antérieures, dix-huit cent mille acres environ, subirent cette fois la forfaiture, cette loi fatale d’un pays où le sol a manqué sous les pas de toutes les générations, pendant le cours de six siècles. L’Irlande, secondée par les armes de la France, avait obtenu, dans la capitulation militaire de Limerick, une promesse de tolérance, si ce n’est de liberté religieuse. Mais entre deux peuples dont l’un se croit le propriétaire de l’autre, il ne saurait y avoir de droit public ; car aucun titre n’invalide une domination primordiale, une souveraineté en quelque sorte naturelle. Aussi le gouvernement anglais, à l’instigation du parlement protestant d’Irlande, ne tarda-t-il pas à fouler aux pieds ces articles célèbres, et à soumettre la presque totalité de la population irlandaise au code qui, dans la Grande-Bretagne, écrasait une faible minorité catholique.

Pendant le règne de Guillaume et celui de la reine Anne, dans le temps où la liberté de l’Angleterre brillait du plus vif éclat, où son génie s’épanouissait sous des formes élégantes, au siècle des beaux esprits et des philosophes, quand le goût des plaisirs et le scepticisme semblaient éteindre le fanatisme en atteignant à leur source les croyances elles-mêmes, un peuple civilisé entreprit de continuer, par les lois, l’œuvre d’anéantissement que ses rudes ancêtres avaient commencée par les armes. De là un système d’incapacités civiles et politiques entre lesquelles il suffira de rappeler les dispositions les plus propres à affecter l’ensemble de la société et à expliquer des mœurs dont l’Europe s’étonne sans trop chercher à les comprendre.

L’obligation de souscrire à la suprématie religieuse de la royauté et de prêter le serment contre la transsubstantiation, obligation imposée à l’Irlande aussi bien qu’à l’Angleterre, avait laissé les sept huitièmes de sa population sans organes au sein de la législature anglicane de Dublin. L’enlèvement de la franchise électorale aux ca-