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L’ABBESSE DE CASTRO.

milieu de la nuit, et les cris des ivrognes en voyant tomber leur camarade, réveillèrent les soldats du couvent qui passaient cette nuit-là dans leurs lits, et n’avaient pas pu goûter du vin d’Ugone. Huit ou dix des bravi du couvent sautèrent dans le passage à demi nus, et se mirent à attaquer vertement les soldats de Branciforte.

Comme nous l’avons dit, ce bruit commença au moment où Jules venait d’ouvrir la porte de fer. Suivi de ses deux soldats, il se précipita dans le jardin, courant vers la petite porte de l’escalier des pensionnaires ; mais il fut accueilli par cinq ou six coups de pistolet. Ses deux soldats tombèrent, lui eut une balle dans le bras droit. Ces coups de pistolet avaient été tirés par les gens de la signora de Campireali, qui, d’après ses ordres, passaient la nuit dans le jardin, à ce autorisés par une permission qu’elle avait obtenue de l’évêque. Jules courut seul vers la petite porte, de lui si bien connue, qui, du jardin, communiquait à l’escalier des pensionnaires. Il fit tout au monde pour l’ébranler, mais elle était solidement fermée. Il chercha ses gens, qui n’eurent garde de répondre, ils mouraient ; il rencontra dans l’obscurité profonde trois domestiques de Campireali contre lesquels il se défendit à coups de dague.

Il courut sous le vestibule, vers la porte de fer, pour appeler ses soldats ; il trouva cette porte fermée : les deux bras de fer si lourds avaient été mis en place et cadenassés par les vieux jardiniers qu’avait réveillés la cloche de la petite sœur.

— Je suis coupé, se dit Jules. — Il le dit à ses hommes ; ce fut en vain qu’il essaya de forcer un des cadenas avec son épée : s’il eût réussi, il enlevait un des bras de fer et ouvrait un des ventaux de la porte. Son épée se cassa dans l’anneau du cadenas ; au même instant il fut blessé à l’épaule par un des domestiques venus du jardin ; il se retourna, et, acculé contre la porte de fer, il se sentit attaqué par plusieurs hommes. Il se défendait avec sa dague ; par bonheur, comme l’obscurité était complète, presque tous les coups d’épée portaient dans sa cotte de mailles. Il fut blessé douloureusement au genou ; il s’élança sur un des hommes qui s’était trop fendu pour lui porter ce coup d’épée, il le tua d’un coup de dague dans la figure, et eut le bonheur de s’emparer de son épée. Alors il se crut sauvé ; il se plaça au côté gauche de la porte, du côté de la cour. Ses gens qui étaient accourus tirèrent cinq ou six coups de pistolet à travers les barreaux de fer de la porte et firent fuir les domestiques. On n’y voyait sous ce vestibule qu’à la clarté produite par les coups de pistolet.

— Ne tirez pas de mon côté, criait Jules à ses gens.