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L’ABBESSE DE CASTRO.

la signora de Campireali auprès de son mari, qui se meurt. Nous tâcherons de passer sans bruit la première porte du couvent que voilà au milieu de la caserne, dit-il en leur montrant le plan sur le sable. Si nous commencions la guerre à la première porte, les bravi des religieuses auraient trop de facilité à nous tirer des coups d’arquebuse pendant que nous serions sur la petite place que voici devant le couvent, ou pendant que nous parcourrions l’étroit passage qui conduit de la première porte à la seconde. Cette seconde porte est en fer, mais j’en ai la clé.

— Il est vrai qu’il y a d’énormes bras de fer ou valets, attachés au mur par un bout, et qui, lorsqu’ils sont mis à leur place, empêchent les deux ventaux de la porte de s’ouvrir. Mais, comme ces deux barres de fer sont trop pesantes pour que la sœur tourière puisse les manœuvrer, jamais je ne les ai vues en place ; et pourtant j’ai passé plus de dix fois cette porte de fer. Je compte bien passer encore ce soir sans encombre. Vous sentez que j’ai des intelligences dans le couvent ; mon but est d’enlever une pensionnaire et non une religieuse ; nous ne devons faire usage des armes qu’à la dernière extrémité. Si nous commencions la guerre avant d’arriver à cette seconde porte en barreaux de fer, la tourière ne manquerait pas d’appeler deux vieux jardiniers de soixante-dix ans qui logent dans l’intérieur du couvent, et les vieillards mettraient à leur place ces bras de fer dont je vous ai parlé. Si ce malheur nous arrive, il faudra, pour passer au-delà de cette porte, démolir le mur, ce qui nous prendra dix minutes ; dans tous les cas, je m’avancerai vers cette porte le premier. Un des jardiniers est payé par moi ; mais je me suis bien gardé, comme vous le pensez, de lui parler de mon projet d’enlèvement. Cette seconde porte passée, on tourne à droite, et l’on arrive au jardin ; une fois dans ce jardin, la guerre commence, il faut faire main basse sur tout ce qui se présentera. Vous ne ferez usage, bien entendu, que de vos épées et de vos dagues ; le moindre coup d’arquebuse mettrait en rumeur toute la ville, qui pourrait nous attaquer à la sortie. Ce n’est pas qu’avec treize hommes comme vous, je ne me fisse fort de traverser cette bicoque : personne, certes, n’oserait descendre dans la rue ; mais plusieurs des bourgeois ont des arquebuses, et ils tireraient des fenêtres. En ce cas, il faudrait longer les murs des maisons, ceci soit dit en passant. Une fois dans le jardin du couvent, vous direz à voix basse à tout homme qui se présentera : Retirez-vous ; vous tuerez à coups de dague tout ce qui n’obéira pas à l’instant. Je monterai dans le couvent par la petite porte du jardin avec ceux d’entre vous qui