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sent à Naples sur le bateau à vapeur. De tous les autres côtés, la vue s’étend sur une plaine magnifique qui se termine, au levant, par l’Apennin, au-dessus de Palestrine, et au nord, par Saint-Pierre et les autres grands édifices de Rome. Le Monte-Cavi n’étant pas trop élevé, l’œil distingue les moindres détails de ce pays sublime qui pourrait se passer d’illustration historique, et cependant chaque bouquet de bois, chaque pan de mur en ruine, aperçu dans la plaine ou sur les pentes de la montagne, rappelle une de ces batailles si admirables par le patriotisme et la bravoure que raconte Tite-Live.

Encore de nos jours l’on peut suivre, pour arriver aux blocs énormes, restes du temple de Jupiter Férétrien, et qui servent de mur au jardin des moines noirs, la route triomphale parcourue jadis par les premiers rois de Rome. Elle est pavée de pierres taillées fort régulièrement ; et, au milieu de la forêt de la Faggiola, on en trouve de longs fragmens.

Au bord du cratère éteint qui, rempli maintenant d’une eau limpide, est devenu le joli lac d’Albano de cinq à six milles de tour, si profondément encaissé dans le rocher de lave, était située Albe, la mère de Rome, et que la politique romaine détruisit dès le temps des premiers rois. Toutefois ses ruines existent encore. Quelques siècles plus tard, à un quart de lieue d’Albe, sur le versant de la montagne qui regarde la mer, s’est élevée Albano, la ville moderne ; mais elle est séparée du lac par un rideau de rochers qui cachent le lac à la ville et la ville au lac. Lorsqu’on l’aperçoit de la plaine, ses édifices blancs se détachent sur la verdure noire et profonde de la forêt si chère aux brigands et si souvent nommée, qui couronne de toutes parts la montagne volcanique.

Albano, qui compte aujourd’hui cinq ou six mille habitans, n’en avait pas trois mille en 1540, lorsque florissait, dans les premiers rangs de sa noblesse, la puissante famille Campireali dont nous allons raconter les malheurs.

Je traduis cette histoire de deux manuscrits volumineux, l’un romain, et l’autre de Florence. À mon grand péril, j’ai osé reproduire leur style, qui est presque celui de nos vieilles légendes. Le style si fin et si mesuré de l’époque actuelle eût été, ce me semble, trop peu d’accord avec les actions racontées et surtout avec les réflexions des auteurs. Ils écrivaient vers l’an 1598. Je sollicite l’indulgence du lecteur et pour eux et pour moi.