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REVUE. — CHRONIQUE.

cette question. Il est évident que la seule conduite à tenir, était celle que le gouvernement a tenue, et qu’il n’y a qu’aux partisans de la guerre à tout prix que cette conduite peut sembler condamnable. Il faut bien que le ministère se résigne à se passer des suffrages de l’extrême gauche ! M. Thiers, s’il revient au pouvoir, sera bien obligé de renoncer à son tour à la douce satisfaction d’entendre les applaudissemens de cette partie de la chambre, car, une fois aux affaires, il n’aura pas d’autres principes politiques que ceux qu’il a déjà eus. Répondrons-nous maintenant à l’incident élevé par M. Guizot ? M. Molé était-il dans son droit en portant à la tribune une dépêche dont il n’avait eu connaissance que postérieurement à sa venue dans le sein de la commission ? n’est-ce pas une attaque puérile, et bien puérile, quand elle est jetée à travers une discussion de principes aussi grave. Une feuille de la coalition élève un reproche qui a une apparence plus sérieuse. Elle dit que le ministère n’avait pas le droit de communiquer des pièces relatives à une négociation pendante. C’est aussi le principe qui a dirigé le ministère en répondant sur les affaires de Belgique. Il a montré une réserve et une discrétion dont il n’avait pas reçu lui-même l’exemple de ses prédécesseurs. Quant à l’évacuation d’Ancône, elle est effectuée ; nos soldats sont rentrés en France, et le gouvernement, en défendant ses actes, n’a usé que du droit légitime de la défense.

Il est vrai qu’il serait bien plus commode, pour la coalition, d’obtenir du gouvernement qu’il se lie lui-même les mains, et ensuite de lui livrer bataille : et quelle bataille ! Nous avons encore entendu dire qu’en communiquant les dépêches ministérielles, on portait atteinte à la considération et à l’influence des anciens ministres, et qu’on leur préparait, pour l’époque de leur retour, un rôle bien difficile. Quand les anciens ministres cesseront de se ruer sur le pouvoir qui leur échappe, quand ils ne contracteront pas alliance avec des opinions qu’ils ont réprouvées, quand leurs amis ne viendront plus à la tribune fouiller des écrits publiés il y a plus de trente ans, lorsqu’il n’y avait pas de gouvernement représentatif en France, les nécessités de la défense seront moins dures. Mais, en attendant, nous demandons à tous les hommes de bonne foi, si le ministère n’a pas subi, avec une dignité et une modération sans exemple, tous les outrages, toutes les injures de la coalition. Est ce donc la traiter bien cruellement que de lui opposer les actes de ses chefs ? Et ceux qui applaudissaient dans la chambre, à la lecture de la dépêche de M. Thiers, sont-ils bien venus à se plaindre de la publicité qui lui a été donnée ? Ce serait bien le cas de s’écrier avec M. Thiers : Il n’y a pas un de vous qui ne soit le démenti de l’autre, et votre coalition n’est qu’une réciproque duperie !

Quant aux députés légitimistes, guidés par M. Berryer, nous ne trouverions pas de terme pour exprimer les sentimens que nous ferait éprouver leur conduite, s’il était vrai, comme ils le déclarent aujourd’hui, dans leur feuille officielle, qu’ils aient résolu de voter pour l’adresse sans amendement,