Page:Revue des Deux Mondes - 1839 - tome 17.djvu/248

Cette page a été validée par deux contributeurs.
244
REVUE DES DEUX MONDES.

petit nombre de leurs places fortes, et le dénûment où ils vivent des premiers dons de la civilisation, de bonnes habitations et de bons habits ; — malgré cette infériorité, les Turcs et les Khazars ont, en commun avec les peuples dont je viens de parler, l’avantage d’obéir à un roi, qui les rassemble autour de lui, et veille à leur salut. — Mais quant aux Arabes, je cherche en vain chez eux une seule de ces bonnes choses. Je ne leur vois ni spirituel, ni temporel, ni force, ni stabilité ; et rien ne prouve mieux la bassesse de leur rang dans l’échelle des familles humaines que le genre de vie qu’ils ont choisi, genre de vie peu différent de celui des bêtes fauves et des oiseaux de proie, avec lesquels ils font société. Ajoute à cela qu’ils tuent leurs enfans au berceau, de peur de les voir mourir de faim ; qu’ils se font perpétuellement la guerre de tribu à tribu, et s’entrepillent et s’entr’égorgent pour avoir de quoi manger ; qu’ils sont déshérités de toutes les jouissances de la vie : beaux habits, bonne cuisine, bons vins, divertissemens, toutes choses inconnues aux Arabes. C’est au point que ceux d’entre eux qui se piquent de délicatesse et tiennent au plaisir de la table, n’ont rien trouvé de plus exquis que la viande de chameau, viande lourde, de mauvais goût, et qui engendre une maladie particulière (une éruption cutanée). — Si quelque Bédouin s’est trouvé dans le cas de recevoir un étranger sous sa tente, et de lui offrir un morceau, on en parle dans le désert comme d’une action sublime ; les poètes arabes vantent à toute outrance la généreuse hospitalité du Bédouin : c’est une gloire pour sa tribu. — Voilà les Arabes, ô Noumân ! Je dois cependant faire une exception en faveur de cette famille des Tanoukhides (la famille himyarite qui régnait sur le Yaman au commencement de l’islamisme), dont mon aïeul (Chosroès-le-Grand) a relevé le sceptre et posé l’empire sur des bases solides, qu’il a délivrée de son ennemi (l’usurpateur éthiopien), et qui, jusqu’à ce jour, conserve tous ses avantages. On voit d’ailleurs, dans ses états, quelques monumens, des villes fortes, des cités florissantes ; enfin, quelque chose d’analogue aux ouvrages humains. Mais pour vous autres Bédouins, cancres, hères et pauvres diables, j’aurais cru que la conscience de votre misère vous eût engagés à vous effacer, autant que possible, en présence de ceux qui jouissent de tous les avantages dont vous êtes privés. Point ! Vous vous redressez, vous vous glorifiez, vous aspirez à la prééminence ! Voilà ce qu’on ne peut tolérer. »

Noumân répondit :

« Que Dieu accroisse la prospérité de ton empire ! Il est sur la