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L’ARABIE.

du Yaman, qui, chassé de ses états par les Éthiopiens, vint implorer le secours de Chosroès-le-Grand. Selon Aboul-Féda, ce fut à l’aide des auxiliaires persans qu’il reconquit son royaume ; mais, selon Noumân, l’un de nos interlocuteurs, ce seraient les Arabes du désert qui auraient délivré le Yaman du joug éthiopien.

Extrait du Kitâb-Alickd.

Suivant Alckatâmiyy, qui s’appuyait de l’autorité d’Ibn-Alkalbiyy, Noumân, roi de Hirah, se trouvait à la cour du roi de Perse en même temps que les ambassadeurs de Byzance, de l’Inde, de la Chine, etc. Ces étrangers discourant à qui mieux mieux de la puissance de leurs maîtres, du nombre de leurs places fortes, de la grandeur et de l’opulence de leurs villes, Noumân prit à son tour la parole, et se mit à exalter les Arabes au-dessus de tous les peuples du monde, y compris les Perses.

L’orgueil impérial de Chosroès fut offensé de cette prétention. « Noumân, dit-il au roi de Hirah, j’ai été à même de comparer l’état civil et politique des Arabes avec celui des autres peuples dont je reçois annuellement les députations. — Or, j’ai remarqué chez les Grecs un bel ensemble, une puissance politique du premier ordre, une multitude de villes grandes et petites, de superbes édifices, et une religion (une loi) qui détermine le licite et l’illicite, réprime l’insolence et bride la témérité. — J’ai trouvé les Hindous en possession d’une partie de ces avantages et de beaucoup d’autres, tels qu’un pays bien arrosé, une immense richesse végétale, des fruits exquis, des parfums, une population considérable, une industrie merveilleuse, des mœurs douces, des préceptes d’une haute sagesse (de grands systèmes philosophiques), des méthodes de calcul parfaitement exactes[1]. — Chez les Chinois, j’ai admiré la puissance du lien social, la multitude et la perfection des arts manuels, des machines de guerre (de l’artillerie[2]) et des ouvrages en fer. — Enfin, chez tous ces peuples, je vois un gouvernement régulier : tous obéissent à un roi. — Les Turcs même et les Khazars (des bords de la mer Caspienne), nonobstant leur pénurie, la stérilité de leurs campagnes, le

  1. Ce passage est précieux à cause de son ancienneté. Il confirme l’opinion, admise aujourd’hui par quelques savans, que l’algèbre n’est point une invention des Arabes, comme l’ont cru presque tous nos géomètres, mais un emprunt fait par les Arabes aux Hindous.
  2. Dans un mémoire lu par feu M. Abel Rémusat à l’Académie des Inscriptions, ce savant prouva d’une manière très plausible qu’il y avait des bouches à feu dans l’armée tartaro-chinoise qui envahit l’est de l’Europe, vers le commencement du XIIIe siècle.