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GLASGOW.

n’avait eu vent de l’intrigue et n’avait même conçu de soupçons. Un jour cependant, Dixon, en se retirant avant l’aube, crut entendre refermer doucement la porte d’une maison placée en face du jardin de Fraser. Son inquiétude fut grande ; avait-il été vu ? Le lendemain il revint encore au jardin et prévint miss Flora. Celle-ci, sur ses instances, le laissa seul dans le jardin. Dixon se blottit près du trou de la haie, il voulait savoir si quelque voisin l’espionnait. Rien ne bougea de toute la nuit et les amans furent rassurés. Cependant Dixon avait été reconnu la veille par des voisins qui, l’ayant vu se glisser dans le jardin de Fraser, et voulant savoir quel pouvait être le galant ou le voleur, l’avaient guetté à sa sortie. Comme miss Flora était fort aimée de toutes les personnes qui la connaissaient, ses voisins, bonnes gens du reste, plaignirent la jeune fille, rejetèrent sa faute sur la dureté de son père et se gardèrent bien de faire bruit de leur découverte. L’affaire en était là, lorsqu’un matin le vieux Fraser, entrant dans le parloir de sa maison, trouva les armoires et les buffets forcés ; son argenterie avait été enlevée ainsi que des bijoux et autres objets précieux. Le vieux gentilhomme, à cette vue, entra dans une telle colère, que le jour même tout le quartier fut instruit de son malheur. Quels étaient les coupables ? On l’ignorait, et les recherches auraient sans doute été vaines, si les voisins de Fraser, craignant d’être soupçonnés, n’eussent déclaré au magistrat qu’ils connaissaient le vrai coupable. Ils racontèrent comment ils avaient vu Dixon entrer dans la maison de Fraser et à quelle heure il en était sorti. Le jeune homme fut arrêté sur-le-champ. Il repoussa avec horreur l’accusation dont on le chargeait ; mais les apparences étaient accablantes. Quand les témoins de sa sortie du jardin furent confrontés avec lui, et eurent fait en sa présence leur déposition détaillée, il garda le silence. Quand on lui demanda ce qu’il allait faire à cette heure dans le jardin, il se tut encore, ne pouvant, comme on pense bien, donner à ses démarches aucune explication satisfaisante. Au moment où on allait le conduire en prison, il se contenta de protester hautement de son innocence et de répéter que le témoignage de ses accusateurs était insuffisant pour attirer sur sa tête la peine capitale. Dixon avait raison, cette déposition seule était insuffisante ; il fallait encore son aveu pour qu’il pût être condamné ; mais dans ce temps-là les magistrats avaient un moyen infaillible de faire avouer à l’accusé le crime qu’il avait commis, et même celui dont il était innocent, comme nous l’allons voir tout à l’heure.

Ce moyen, c’était la question ; on l’appliquait de la manière suivante : l’accusé était couché sur le dos, et, à l’aide d’un entonnoir qu’on introduisait dans son gosier, on lui faisait avaler autant d’eau que son corps en pouvait contenir. Quand il était rempli, on plaçait une planche sur son estomac et sur son ventre, puis le bourreau sautait brusquement sur cette planche de façon à faire rendre violemment au patient l’eau qu’il avait prise. Si l’accusé persistait dans ses dénégations, on recourait de nouveau à l’entonnoir, et le bourreau faisait de nouvelles gambades sur son corps, et ainsi de suite jusqu’à ce qu’on eût un cadavre ou un coupable.