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premier r de Trafalgar et l’a d’Aboukir. Deux de ces lettres étaient déjà enlevées, quand une patrouille survint et mit les voleurs en fuite. Jamais les lettres enlevées n’ont pu être retrouvées. Les patriotes anglais accusèrent des matelots français de ce vol, qu’ils regardaient comme une vengeance nationale. L’un d’eux m’assurait que les lettres volées avaient été jetées dans la Clyde au bas du Green ; mais on a trouvé, ajoutait-il, moins coûteux et plus expéditif d’en faire de nouvelles que de repêcher les anciennes.

Si de la ville vieille et des quartiers du Green nous passons dans la ville nouvelle, nous nous arrêterons de préférence dans le quartier de Saint-George-Square. Saint-George-Square est une grande place située au centre de la ville neuve. C’est le quartier à la mode ; des rues spacieuses, régulièrement bâties, bordées de trottoirs, et qui ressemblent aux principales rues du moderne Édimbourg, aboutissent à chacun des angles du square. Le milieu de la place est occupé par une magnifique pelouse, entourée d’une grille, où sont dessinées de jolies allées bordées de fleurs, qu’ombragent des massifs d’arbustes toujours verts. Au centre d’une des parties de la pelouse, à quelques pieds de la grille, on voit la statue en bronze d’un officier anglais. Une colonne de granit lui sert de piédestal. C’est la statue de Charles John Moore, tué sous les murs de la Corogne, au moment de l’évacuation de cette ville par l’armée anglaise. Sur le piédestal on lit l’inscription suivante :

TO COMMEMORATE
THE MILITARY SERVICE OF THE LIEUT.-GENERAL
CHARLES JOHN MOORE, NATIVE OF GLASGOW,
HIS FELLOW CITIZENS
HAVE ERECTED
THE MONUMENT

M D CCC XIX.

Cette statue est encore de Flaxman. C’est l’un de ses bons ouvrages ; le caractère national perce, avant tout, dans la figure du général anglais, et toute incertitude là-dessus est impossible. Il n’y a là ni réminiscences de style grec, ni posture de batelier ou de matamore, et néanmoins l’étincelle du courage et du génie brille dans la calme et froide figure du guerrier. C’est bien là l’homme fort et résigné qui, l’épaule fracassée par un boulet de canon, disait à ses compagnons au moment où ceux-ci l’emportaient du champ de bataille : « J’espère que mon pays sera content de moi, et qu’il approuvera ma conduite. » Dans sa simplicité, cette belle statue de John Moore nous a rappelé les fameuses strophes sur sa mort, attribuées à tort à lord Byron. Nous essayons de les traduire :

I.

Pas un tambour ne se fit entendre, pas une note funèbre, comme nous portions son cadavre au rempart ; pas un soldat ne tira son coup d’adieu sur le tombeau où nous ensevelîmes notre héros.