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cherché au pays dont il fait partie, et du pays au monde. Si l’on ne se résigne pas à cette laborieuse investigation, on ne connaîtra qu’imparfaitement l’état physique, social et politique du lieu interrogé. Et encore après cette peine prise, se trouvera-t-on plutôt édifié sur la physionomie générale d’un continent que sur l’aspect particulier d’une province et d’un canton. La géographie de M. Balbi entraîne ainsi l’esprit vers de perpétuelles synthèses : pour la lire avec fruit, il faut déjà être fort bon géographe.

C’est surtout dans le classement des divisions territoriales que le vice de la méthode se fait le plus vivement sentir. On dirait que l’auteur obéit à un parti pris, tant il multiplie les complications gratuitement et systématiquement. Il tend des embûches au lecteur, il lui crée des embarras, il le promène à travers des régions découpées en labyrinthe. S’il existait un baccalauréat spécial pour la géographie, la faculté de pouvoir se servir couramment de l’Abrégé pourrait être un titre d’admission ; car elle supposerait des études antérieures et profondes. Au lieu de décrire un pays par grandes zones et de proche en proche, soit en allant du nord au midi, soit en adoptant toute autre marche rationnelle, M. Balbi a imaginé une division de nationalités politiques qui l’entraîne en des chevauchemens continuels. Cherche-t-on, en Europe, Malte, Héligoland, ou Gibraltar ? C’est entre l’Angleterre et l’Écosse, au milieu des Orcades ou des Hébrides, qu’il faut les découvrir. En Amérique, pays de colonies européennes, ce système de sautillement va jusqu’à donner des vertiges. Dans l’article des possessions anglaises, on passe du Canada à la Jamaïque, d’Halifax à Demerary ; dans celui des possessions françaises, on se promène de Cayenne à Saint-Pierre-Miquelon, le tout sur la même page et à quelques lignes d’intervalle. Les distances n’effraient pas M. Balbi ; il a une manière de les abréger qui n’est qu’à lui. Tant pis pour qui ne peut le suivre, il le laisse en chemin ; demandez donc aux aigles de voler moins vite. Cependant, tout neuf et tout hardi que soit ce système, le géographe n’y est pas tellement enchaîné qu’il ne le viole au besoin. Ainsi, pour l’Océanie en masse et pour l’Afrique partiellement, M. Balbi abandonne sa division par nationalités politiques, pour introduire un classement non moins arbitraire de régions géographiques.

Un mot maintenant sur la forme. Sans doute, il serait déraisonnable de vouloir qu’un étranger fût initié aux mystérieuses délicatesses de notre langue ; mais ce que l’on peut exiger de lui, c’est qu’il abdique toute prétention au style et à la couleur. Que si, au lieu de se