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VOYAGEURS ET GÉOGRAPHES MODERNES.

ment ? C’est peut-être système ; car M. Balbi accrédite volontiers les autorités que personne ne soutient, et il semble surtout caresser du regard les champignons scientifiques éclos à ses pieds et sous son ombre. La liste des grands hommes inconnus dont M. Balbi a fait la découverte, et dont il adopte les matériaux avec peu de discernement, serait longue à dresser et encombrerait inutilement ces pages. Il suffit d’en tirer cette conclusion que le sens critique a souvent manqué au géographe, et qu’il n’a pas su défendre son jugement contre toutes les surprises.

C’est à la suite de ces noms sans autorité et sans valeur que l’auteur de l’Abrégé s’est lancé dans une terminologie absurde, prenant à celui-ci des souches, à un autre des systèmes, à un troisième des foyers, le tout sans raison, sans règle et au hasard. Par ce motif, son Océanie est à refaire en entier ; elle repose sur des observations inintelligentes et des subdivisions inadmissibles. Prenant au sérieux les moindres enfantillages d’un voyageur secondaire, M. Balbi a débaptisé tout un monde pour avoir la gloire de s’en faire le parrain. Il a créé un archipel Mounin-Volcanique ; il a converti la Nouvelle Zélande en Tesmanie, la terre de Van-Diémen en Diéménie, la Nouvelle-Guinée en Papouasie ; il a fait de quelques petits îlots perdus sur l’Océan Pacifique des Sporades, de Vanikoro l’archipel Lapérouse, et des Nouvelles-Hébrides le groupe Quiros. Mais ceci n’est rien encore auprès du nom incroyable que, de concert avec son ami le docteur Constancio, M. Balbi a élaboré pour l’Amérique du nord : Pleïadelphia ! Qu’en dites-vous ? Comme cela chante, résonne, emplit la bouche : Pleïadelphia. C’est-à-dire, ajoute M. Balbi, un mot renfermant, avec une précision parfaite, les idées suivantes : Union fraternelle, boréo-hespérique, d’états navigateurs. Vous verrez que les Américains du nord seront assez barbares pour repousser cette découverte, et qu’ils s’obstineront à ne pas répondre au nom de Pleïadelphiens. Le sort des idées de génie est d’être méconnues de leur temps.

Puisque nous voici sur le terrain des puérilités, voyons si M. Balbi n’a pas abusé de cette ressource. Dans bien des endroits de son livre, il se rend cet hommage qu’il n’a pas imité ces géographes vulgaires qui ne voient que la France dans l’Europe et l’Europe dans le monde. En effet, loin de sacrifier aux dieux de la foule, il les a traités de la manière la plus cavalière, les a insultés, écourtés, mutilés, se permettant à peine de dire quelle est la population d’une ville européenne, et s’interdisant, comme chose oiseuse, de nommer les hommes célèbres qu’elle a vus naître. C’est bien ; mais après avoir