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Brun dont nous aurons à parler ; après Malte-Brun, le savant Ritter[1] et M. Adrien Balbi qui fait l’objet de cet article. Venu le dernier, M. Balbi a sur les autres les avantages qui résultent de son millésime. Il a pu les copier dans ce qu’ils avaient de plus authentique, et emprunter ensuite, soit aux Annales et aux Revues de Weymar, de Paris, de Londres et de Calcutta, soit à des voyages récens, tout un ordre d’observations et de faits qui échappaient forcément à ses devanciers. C’est là le mérite le plus réel de son livre : quoique déjà vieilli, il est le plus jeune. Un temps viendra sans doute où cette mobilité, virtuellement inhérente à la géographie, ne sera plus exagérée par des causes accidentelles. Quand le globe sera connu et bien connu, la science continuera sans doute à se métamorphoser avec les faits statistiques et politiques ; mais elle ne sera plus remise en cause, à chaque heure, dans toute son économie, dans ses divisions, dans sa terminologie, dans ses grands reliefs, dans sa constitution orographique ou hydrologique. Jusque-là, pourtant, nos géographes devront se résigner, comme l’a fait M. Balbi, à un rôle de compilation provisoire. Didactiques ou alphabétiques, ils sont menacés du même oubli, et l’Abrégé de géographie ne résistera pas plus à cette injure du temps que les dictionnaires de Vosgien, de Macarthy, de Kilian et de Masselin.

On sait beaucoup du globe ; mais que de mystérieuses existences il recèle encore ? Que d’hypothèses demeurent sans preuves, d’énigmes sans mots, de problèmes sans solutions ! Sait-on bien comment l’Amérique se découpe sur l’Océan polaire, et si le passage cherché depuis Frobisher jusqu’à Ross, est une chimère ou une réalité ? N’y a-t-il pas à préciser le pôle magnétique et à atteindre le pôle réel ? L’Asie, ce vieux berceau du monde, n’a-t-elle plus rien à nous révéler ; ses populations sont-elles toutes connues ; ses plateaux, pépinières d’hommes ; ses chaînes, les plus hautes du globe, sont-ils des objets acquis à la science, certains, fixés à toujours ? Et l’Amérique, peuplée aujourd’hui de races intelligentes, ne laisse-t-elle pas plusieurs de ses zônes sous le voile ? Le littoral nord de l’Océan pacifique, depuis la Californie jusqu’aux îles Aleutiennes, le versant occidental des Montagnes-Rocheuses, les vastes prairies où campent les dernières tribus sauvages, depuis l’Indiana jusqu’à l’Orégon, depuis le Texas jusqu’à la région des lacs canadiens ; les steppes inondées

  1. Erdkunde im Verhaeltniss zur Natur und zur Geschichte des Menschen. La traduction de cet excellent ouvrage a été commencée par MM. Buret et Desor. Il est à désirer, dans l’intérêt de la science, que l’éditeur Pantin soit encouragé à la terminer.